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venaient de grands établissements, qui se sont conservés jusqu’à nos jours, respectés par tous les pouvoirs et à travers toutes les révolutions. Mais c’est à partir du XIIe siècle que les hôpitaux sont construits suivant un programme arrêté. C’étaient de grandes salles voûtées, hautes, aérées, souvent divisées par une ou plusieurs rangées de colonnes ; à l’une des extrémités était un vestibule, ou quelquefois un simple porche ou auvent ; à l’autre bout, une chapelle. En aile, une officine, pharmacie, puis les cellules des religieux ou religieuses, leur réfectoire, leur cuisine ; souvent un cloître et une église complétaient cet ensemble de bâtiments presque toujours entourés d’une muraille (voy. Hôtel-Dieu). Des jardins étaient, autant qu’il se pouvait faire, annexés à l’établissement.

Ces maisons, dans certains cas, ne servaient pas seulement de refuges aux malades, mais aussi aux pauvres sans asile. On lit dans l’ouvrage du P. du Breul ce passage touchant l’hôpital Sainte-Catherine, primitivement Sainte-Opportune, fondé en la grande rue Saint-Denis, à Paris. « Est à noter que audit hospital il y a onze religieuses qui vivent et tiennent la reigle de monsieur sainct Augustin, laquelle en leur profession elles font serment de garder, et sont subjetes à monsieur l’évêque de Paris, lequel les visite par lui et ses vicaires, et font leur profession entre ses mains, et a estably et confirmé leurs statuts. Plus elles font les trois vœux de religion, et vivent comme ès autres maisons réformées, hormis qu’elles n’ont cloistre ni closture à cause de l’hospitalité, et qu’elles sont ordinairement autour des pauvres, lesquels elles sont tenues de penser. Elles mangent en commun… lesdites religieuses sont subjetes et tenues de recevoir toutes pauvres femmes et filles par chascune nuict, et les héberger par trois jours consécutifs ; et pour se faire, garnir de linges et couvertures quinze grands licts, qui sont en deux grandes salles basses dudit hospital, et ont lesdites religieuses le soin de les penser, traicter et chauffer de charbon, quand la saison le requiert. Aucune fois les licts sont si plains, que aucunes desdites femmes et filles sont contrainctes coucher entre les deux portes de la maison, où on les enferme de peur qu’elles ne facent mal, ou qu’il ne leur advienne inconvénient de nuict. Plus elles sont tenues de recueillir en ladite maison tous les corps morts ès prisons, en la rivière et par la ville, et aussi ceux qui ont esté tuez par ladite ville. Lesquels le plus souvent on apporte tous nuds, et néantmoins elles les ensevelissent de linges et suaires à leurs despens, payent le fossoyeur et les font enterrer au cimetière des Saincts-Innocents. Lesquels quelqefois sont en si grande quantité, qu’il se trouve par acte signé des greffiers de justice, avoir esté portez en ladite maison en moins de quatorze mois, quatre-vingt-dix-huict corps morts…[1] »

De toute ancienneté, conformément aux usages chrétiens, on enterrait les morts autour des églises, si ce n’est les hérétiques, les juifs et les excommuniés. Les grands personnages avaient leur sépulture sous le pavé

  1. Antiq. de la ville de Paris. Du Breul. liv. III.