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ses les plus fortes des tours et des murailles, et beaucoup leur étaient inférieures comme disposition, se composaient seulement de créneaux et mâchicoulis peu saillants avec chemin de ronde peu large. Tels sont les murs d’Avignon qui, comme conservation, sont certes les plus beaux qu’il y ait sur le sol actuel de la France, mais qui, comme force, ne présentaient pas une défense formidable pour l’époque où ils furent élevés. Suivant la méthode alors en usage en Italie, les murs d’Avignon sont flanqués de tours qui, sauf quelques exceptions, sont carrées[1]. En France la tour ronde avait été reconnue avec raison comme plus forte que la tour carrée ; car, ainsi que nous l’avons démontré plus haut, le pionnier attaché à la base de la tour ronde était battu obliquement par les courtines voisines, tandis que s’il arrivait à la base de la face extérieure d’une tour carrée, il était complètement masqué pour les défenses rapprochées (38) ;


et en empêchant les défenseurs de se montrer aux créneaux, en détruisant quelques mâchicoulis placés perpendiculairement au-dessus de lui, il pouvait saper en toute sécurité. Contrairement aussi aux usages admis dans la fortification française des XIIIe et XIVe siècles, les tours carrées des remparts d’Avignon sont ouvertes du côté de la ville (39), et ne pouvaient tenir, par conséquent, du moment que l’ennemi s’était introduit dans la cité. Les murs d’Avignon ne sont guère qu’une enceinte flanquée, comme l’étaient les enceintes extérieures des villes munies de doubles murailles, et non des courtines interrompues par des forts pouvant

  1. On a vu plus haut que les remparts d’Aigues-Mortes sont également, sur un front, flanqués de tours carrées, et nous ne devons pas oublier qu’ils furent élevés par le Génois Boccanegra. Cependant l’enceinte de Paris, rebâtie sous Charles V, était également flanquée de tours barlongues, mais l’enceinte de Paris ne passa jamais pour très-forte. Les tours carrées appartiennent plutôt au midi qu’au nord de la France ; les remparts de Cahors, qui datent des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, présentent des tours carrées d’une belle disposition défensive ; les remparts des villes du comtat Venaissin sont garnis généralement de tours carrées qui datent du XIVe siècle. Ainsi que la plupart des villes de Provence et des bords du Rhône, Orange était munie de tours carrées construites à la fin du XVe siècle. Les Normands et les Poitevins, jusqu’au moment de la réunion de ces provinces au domaine royal, c’est-à-dire jusqu’au commencement du XIIIe siècle, paraissent avoir, de préférence, adopté la forme carrée dans la construction de leurs tours et donjons. La plupart des anciens châteaux bâtis par les Normands en Angleterre et en Sicile, présentent, des défenses rectangulaires (voy. Tour , Donjon).