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colonnes de diamètres inégaux posséder le même profil de base pour ces colonnes, indépendamment de leur diamètre. Il est certain que, quelle que fût la composition de la pile, les architectes du XIIIe siècle voulaient qu’elle eût sa base, et non ses bases ; c’était là une question d’unité. À la Sainte-Chapelle de Paris (voy. fig. 34), les trois colonnes des piles engagées et les colonnettes de l’arcature ont le même profil de base, qui se continue entre ces colonnettes le long du pied de la tapisserie ; seulement le profil appliqué aux colonnettes de l’arcature et courant le long du parement est plus camard que celui des grosses colonnes. Les architectes du XIIIe siècle, artistes de goût autant au moins que logiciens scrupuleux, avaient senti qu’il fallait, dans leurs édifices composés de tant de membres divers, nés successivement du principe auquel ils s’étaient soumis, rattacher ces membres par de grandes lignes horizontales, d’autant mieux accusées qu’elles étaient plus rares. La base placée presque au niveau de l’œil était, plus que le sol encore, le véritable point de départ de toute leur ordonnance ; ils cherchaient si bien à éviter, dans cette ligne, les ressauts, les démanchements de niveaux, qu’ils réunissaient souvent les bases des piles adossées aux murs par une assise continuant le profil de ces bases, ainsi qu’on peut le voir à la Sainte-Chapelle de Paris.

Lorsque les édifices se composent, comme les grandes églises, de rangées de piles isolées et de piles engagées dans les murs latéraux, les bases atteignent des niveaux différents, celles des grandes piles isolées étant plus hautes que celles des piles des bas-côtés ; cela est fort bien raisonné, car un niveau unique pour les bases des piles courtes et des piles élancées devait être choquant ; ce niveau eût été trop élevé pour les piles des bas-côtés ou trop bas pour les piles isolées qui montent jusqu’à la grande voûte. Ainsi, pour les grandes piles, la base se compose généralement de trois membres : 1o d’un socle inférieur circonscrivant les polygones, 2o d’un second socle avec moulure, 3o de la base proprement dite avec sa plinthe ; tandis que pour les piles des bas-côtés, la base ne se compose guère que de deux membres : 1o d’un socle à la hauteur du banc, 2o de la base avec sa plinthe. Si le bas-côté est double, le second rang de piles isolées est porté sur des bases dont le niveau est le même que celui des bases des piles engagées, puisque ce second rang de piles n’a que la hauteur de celles adossées aux murs latéraux. Si grand que soit l’édifice, les bases dont le niveau est le plus élevé ne dépassent jamais et atteignent rarement, dans les monuments construits par les artistes de France au XIIIe siècle, la hauteur de l’œil, c’est-à-dire 1m,60. La hauteur de la base est donc le véritable module de l’architecture ogivale ; c’est le point de comparaison, l’échelle ; c’est comme une ligne de niveau tracée au pied de l’édifice, qui rappelle partout la stature humaine. Si le sol s’élève de quelques marches, comme dans les chœurs des églises, le niveau de la base ressaute d’autant, retrace une seconde ligne de niveau, indique un autre sol. Ces règles sont bien éloignées de celles qu’on a voulu baser sur les ordres romains, et qui sont du reste rarement confirmées par les faits ; mais n’oublions pas qu’il