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de les exécuter. Les bastilles de campagne ou d’assiégeants étaient couronnées par une plate-forme afin de permettre l’établissement de machines de jet et de pouvoir ainsi, ou commander la campagne, ou battre les tours des assiégés. Il est à croire qu’il en était de même pour les bastilles permanentes, et que la grande bastille Saint-Antoine eut, de tout temps, ses tours terminées par des plates-formes. Sous Charles V on faisait usage déjà de l’artillerie à feu, et il est possible que ces plates-formes aient reçu dès l’origine quelques bombardes. Assiégés comme assiégeants, au moment de l’emploi de l’artillerie à feu, plaçaient de préférence leurs pièces destinées à l’attaque ou à la défense sur des points élevés, et dans la position que l’on donnait aux machines de jet ; en substituant le canon aux trébuchets, aux machines lançant des projectiles en bombe au moyen de contre-poids, on ne changeait que le moteur, et l’on conservait la position de l’engin. Les premières bombardes ne lançaient pas des projectiles de plein fouet, mais suivant une parabole comme les trébuchets ; il y avait dès lors avantage à dominer les points que l’on voulait battre, et ce ne fut qu’au XVe siècle que l’artillerie à feu fut placée près du sol et que l’on reconnut l’avantage du tir rasant (voy. Architecture Militaire). La bastille, en tant qu’ouvrage élevé et isolé, devint donc la défense appropriée à l’artillerie à feu. Pendant les guerres du XVe siècle, les vieilles enceintes du moyen âge parurent bientôt insuffisantes pour résister au canon ; des bastilles ou bastillons furent élevés autour de ces enceintes, soit en dehors, soit en dedans, mais de préférence en dehors, pour mettre des pièces en batterie. On était pressé par le temps ; les malheurs publics ne permettaient pas d’employer des sommes considérables à la construction de ces sortes d’ouvrages, et ils furent presque toujours élevés en terre avec revêtissement de bois ou de pierre sèche.

Les bastillons de Paris, dont nous avons vu un exemple dans la fig. 4, peuvent donner l’idée des essais tentés pour flanquer les vieilles murailles et placer de l’artillerie à feu. Plus tard, sous Louis XI, Charles VIII et François Ier, beaucoup de ces ouvrages furent solidement établis en maçonnerie et prirent le nom, conservé jusqu’à nos jours, de bastions. Quant aux bastilles de campagne, nous les voyons encore employées au commencement du XVIe siècle : ce sont, comme nous l’avons dit plus haut, de véritables blockaus propres à contenir un poste et de l’artillerie. Voici (5) un de ces ouvrages en bois entouré d’un fossé et d’une palissade, représenté dans le Récit des actions de l’empereur Maximilien Ier[1]. Toutefois, le nom de bastille cesse d’être appliqué, à partir du XVIe siècle, aux ouvrages isolés ou flanquants ; ils prennent dès lors le nom de Bastions, et, dans certains cas, de Boulevards (voy. ces mots). Seule peut-être, la bastille Saint-Antoine de Paris conserva son nom jusqu’au jour de sa démolition. Il n’est pas besoin de rappeler que cette forteresse servit de

  1. Le Roi sage, Récit, etc., par M. Treitzaurwein, grav. par Haunsen Burgmayr. Vienne, publ. en 1775, p.144.