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pas à adopter, eux aussi, les tours de bois mobiles. Lorsque le camp des Romains est assiégé par les Nerviens révoltés[1], « le septième jour du siège, un grand vent s’étant élevé, les ennemis lancèrent dans le camp des dards enflammés, et avec la fronde des balles d’argile rougies au feu. Les baraques de nos soldats, couvertes en paille à la manière gauloise, eurent bientôt pris feu, et en un instant le vent porta la flamme sur tout le camp. Alors, poussant de grands cris comme si déjà la victoire eût été pour eux, ils firent avancer leurs tours et leurs tortues, et commencèrent à escalader les retranchements. Mais tels furent le courage et la solidité de nos troupes, que, de toutes parts environnées de flammes, accablées d’une grêle de traits, sachant que l’incendie dévorait leur bagage et leur fortune, aucun soldat ne quitta son poste et ne songea même à regarder en arrière, tous combattirent avec acharnement. Cette journée fut rude pour nous ; cependant beaucoup d’ennemis y furent tués ou blessés ; entassés au pied du rempart, les derniers venus empêchaient les autres de se retirer. Quand l’incendie fut un peu apaisé, les assaillants ayant roulé une de leurs tours près du retranchement, les centurions de la troisième cohorte postés sur ce point s’éloignèrent, emmenèrent tout leur monde, et, appelant les ennemis du geste et de la voix, les invitèrent à entrer s’ils voulaient ; aucun n’osa se porter en avant. On les dispersa par une grêle de pierres, et on brûla leur tour… »

Depuis lors, et jusqu’à l’emploi de l’artillerie à feu, on ne cessa, dans les Gaules, d’employer ce moyen d’attaque pendant les sièges. Il n’est pas besoin de dire qu’il ne nous reste aucun renseignement pratique sur ces énormes machines. Nous devons nous en tenir aux descriptions assez vagues qui nous sont restées, à quelques vignettes de manuscrits exécutées de façon qu’il est impossible de constater les moyens employés pour les faire mouvoir. Pendant le moyen âge, ces tours mobiles étaient assez vastes pour contenir une troupe nombreuse ; elles étaient divisées par des planchers formant plusieurs étages percés de meurtrières, et leur sommet crénelé, dont la hauteur était calculée de manière à dominer la crête des tours ou murailles attaquées, recevait un pont s’abattant sur les parapets des assiégés, lorsque le beffroi était amené le long des murs. On garnissait extérieurement ces grandes charpentes de peaux fraîches, de grosses étoffes de laine mouillées pour les préserver des projectiles incendiaires (voy. Architecture Militaire, fig. 15 et 16).

C’est au siège du château de Breteuil par le roi Jean (1356), qu’il est fait mention une des dernières fois d’un beffroi mobile, et la description que Froissart donne de ce siège mérite d’être transcrite, car l’artillerie à feu commence à jouer un rôle important en détruisant les anciens engins d’assaut, si formidables jusqu’alors.

  1. Livre V. De Bello gallico.