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Les portails de la Calende et des Libraires, la chapelle de la Vierge de la cathédrale de Rouen, sont des chefs-d’œuvre[1].

Mais la cathédrale du XIIIe siècle, dont les dispositions primitives étaient déjà altérées au commencement du XIVe siècle, subit encore des changements importants qui, malheureusement, ne furent pas aussi heureux que ceux dont nous venons de parler. En 1430, les chanoines firent agrandir les fenêtres du chœur, non par nécessité, mais parce que, comme le dit Pommeraye[2], le chœur paraissait « sombre et ténébreux. » Les fenêtres de la nef et une grande partie des couronnements extérieurs, des galeries intérieures, furent également modifiés pendant le XVe siècle. En 1485 fut commencée la construction de la tour qui flanque le portail au sud, connue sous le nom de tour de Beurre[3]. Le cardinal George d’Amboise commença la reconstruction de la façade occidentale, qui ne fut jamais achevée. Déjà, au XIIIe siècle, il existait, sur les quatre piliers de la croisée, une haute tour carrée, dont deux étages subsistent encore ; endommagée par le vent en 1353, puis réparée et brûlée en 1514 par la négligence des plombiers ; l’étage supérieur de cette tour fut reconstruit et surmonté d’une immense flèche en bois recouvert de plomb, qui ne fut achevée qu’en 1544. La foudre y mit le feu en 1821, et on l’a voulu remplacer de nos jours par une flèche en fonte de fer[4].

Les dépendances de la cathédrale de Rouen étaient considérables, et, sous son ombre, l’archevêché, un beau cloître, des écoles, des bibliothèques, des sacristies, salles capitulaires et trésors étaient venus successivement se grouper du côté du nord et de l’est. Il reste encore de beaux fragments de ces divers bâtiments (voy. Cloître).

Jusqu’à présent, nous avons vu l’architecture, née en France à la fin du XIIe siècle, se développer avec le pouvoir royal et pénétrer, à la suite de ses conquêtes ou à l’aide de son influence politique, dans les provinces voisines de l’Île de France. Cette révolution s’accomplit dans l’espace de peu d’années, c’est-à-dire pendant la durée du règne de Philippe-Auguste. Mais, jusqu’à la fin du XIIIe siècle, elle ne dépasse pas les territoires que nous venons de parcourir. Dans d’autres provinces, au sud et à l’ouest, l’architecture romane suit paisiblement son cours naturel ; si elle se

  1. Le portail des Libraires (nord) vient d’être restauré par MM. Desmarets et Barthélemy, avec un soin et une perfection qui font le plus grand honneur à ces deux architectes.
  2. Hist. de l’égl. cathéd. de Rouen, 1696, Rouen.
  3. « Chacun sçait (dit Pommeraye dans son Hist. de l’égl. cathéd. de Rouen, p. 35) qu’elle a eü ce nom à cause de la permission que le cardinal Guillaume d’Estouteville obtint pour les fidelles du diocèse de Roüen et d’Évreux d’user de beurre et de laict pendant le carême… Robert de Croismare (archevêque de Rouen) destina au bâtiment de cette tour les deniers qui furent offerts par les fidelles pour reconnoissance de cette faveur… La tour ne fut achevée qu’en 1507… »
  4. À la suite de l’incendie de 1821, une partie de la toiture des grands combles et les voûtes de la nef furent refaites à neuf.