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encore voir à Rome, dans les églises de Saint-Clément, de Sainte-Agnès (hors les murs), de S. Georgio in Velabro ; à Venise, dans l’église de Saint-Marc, etc. Cependant du temps de Guillaume Durand, comme le fait remarquer Thiers, les voiles antérieurs des autels étaient encore posés pendant le carême, et Guillaume Durand écrivait son Rational à la fin du XIIIe siècle. « Il est à remarquer, dit-il[1], que l’on suspend trois sortes de voiles dans l’église, à savoir : celui qui couvre les choses saintes, celui qui sépare le sanctuaire du clergé, et celui qui sépare le clergé du peuple… Le premier voile, c’est-à-dire les rideaux que l’on tend des deux côtés de l’autel, et dont le prêtre pénètre le secret, a été figuré d’après ce qu’on lit dans l’Exode (xxxiv). « Moïse mit un voile sur sa figure, parce que les fils d’Israël ne pouvaient soutenir l’éclat de son visage… » Le second voile, ou courtine, que, pendant le carême et la célébration de la messe, on étend devant l’autel, tire son origine et sa figure de celui qui était suspendu dans le tabernacle qui séparait le Saint des saints du lieu saint… Ce voile cachait l’arche au peuple, et il était tissu avec un art admirable et orné d’une belle broderie de diverses couleurs, et il se fendit lors de la Passion du Seigneur ; et, à son imitation, les courtines sont encore aujourd’hui tissues de diverses couleurs très-belles… » Le troisième voile a tiré son origine du cordon de muraille ou tapisserie qui, dans la primitive Église, faisait le tour du chœur et ne s’élevait qu’à hauteur d’appui, ce qui s’observe encore dans certaines églises…[2] Mais le vendredi saint, on ôte tous les voiles de l’église, parce que, lors de la Passion du Seigneur, le voile du temple fut déchiré… Le voile qui sépare le sanctuaire du clergé est tiré ou enlevé à l’heure de vêpres de chaque samedi de carême, et quand l’office du dimanche est commencé, afin que le clergé puisse regarder dans le sanctuaire, parce que le dimanche rappelle le souvenir de la résurrection… Voilà pourquoi cela a lieu aussi pendant les six dimanches qui suivent la fête de Pâques… »

L’autel de la Sainte-Chapelle haute de Paris ne paraît pas avoir été disposé pour être voilé, et l’édicule qui portait le grand reliquaire était placé derrière et non au-dessus de lui. Nous donnons ici (11) le plan de cet autel et de son entourage. L’autel semble être contemporain de la sainte-Chapelle (1240 à 1250) ; quant à la tribune sur laquelle est posée la grande châsse, et dont tous les débris sont aujourd’hui replacés, elle date évidemment des dernières années du XIIIe siècle. Quatre colonnes portant des anges de bronze doré étaient placées aux quatre coins de l’emmarchement de l’autel ; mais ces colonnes avaient été élevées sous Henri III. Au fond du rond-point, derrière le maître autel A, était dressé un petit autel B ; suivant un ancien usage, ce petit autel était désigné sous le nom d’autel

  1. Rational, chap. III, L. I.
  2. C’est par suite de cette tradition que nous voyons encore sur les murs de quelques églises des peintures simulant des tentures suspendues. (Voy. Peinture.)