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élevé au centre, était couvert de panneaux de bois peint représentant la Passion, qui, en s’ouvrant comme des volets, laissaient voir des bas-reliefs d’argent exécutés de 1485 à 1493. Six colonnes de cuivre, dont les fûts étaient ornés de statuettes de saints, posées des deux côtés de l’autel, portaient six anges vêtus de chapes et tenant les instruments de la Passion. Des voiles glissant sur les tringles qui réunissaient les trois colonnes, de chaque côté, fermaient le sanctuaire. Ces voiles furent conservés jusqu’en 1671. Les colonnes avaient été données par un chanoine d’Amiens, Jehan Leclère, en 1511. Un lustre d’Argent à trois branches était suspendu devant l’autel. Trois grands chandeliers de cuivre étaient en outre placés dans le sanctuaire. Un dais en forme de carré long, couvert d’une étoffe de soie semée de fleurs de lis d’or, était suspendu à la voûte immédiatement au-dessus de la table de l’autel. Aux deux angles postérieurs de l’autel, aux extrémités du retable, étaient plantées, sur le dallage, deux colonnes de cuivre en forme d’arbres chargés de fleurs et de fruits. Les corolles des fleurs portaient des cierges que l’on allumait aux jours de fêtes devant les châsses des saints. Quant à la suspension du saint sacrement, elle avait été refaite pendant les XVIIe et XVIIIe siècles. Il n’est pas fait mention dans les registres capitulaires d’où sont tirés ces renseignements, de la clôture qui, comme à la Sainte-Chapelle de Paris, fermait le rond-point derrière l’autel ; mais il y a tout lieu de croire que cette clôture double, voûtée, formait une galerie élevée sur laquelle étaient exposées les châsses qui, à la cathédrale d’Amiens, étaient nombreuses et d’une grande richesse. Derrière le maître autel, au fond du rond-point, s’élevait le petit autel de retro ; il était décoré d’un groupe de statues représentant le Christ mis au tombeau, exécuté en 1484.

Pour clore dignement ce chœur, des tombes d’évêques surmontées d’arcatures à jour, terminées par des pignons et clochetons, étaient disposées entre les piles du rond-point. Ce fut seulement en 1755 que tout le sanctuaire de la cathédrale fut bouleversé pour faire place à des images de plâtre et à des rayons de bois doré, avec grosses cassolettes, draperies chiffonnées, gros anges effarouchés également en plâtre.

Il ne paraît pas que jusqu’au XVe siècle il fût d’usage dans le nord de la France de placer des statues de saints, et à plus forte raison le Christ ou la sainte Vierge, sur le devant des autels au-dessous de la table[1]. En admettant qu’il n’y eût pas là une question de convenance, les nappes

  1. Nous disons : dans le nord, parce qu’il existe dans la cathédrale de Marseille un autel du XIIe siècle dont le devant est décoré d’une figure de la sainte Vierge, et de deux figures d’évêques en bas-relief ; mais Marseille ne faisait point alors partie de la France. On voit encore dans l’église d’Avenas un autel sur la face duquel sont sculptés le Christ, les quatre évangélistes et les douze apôtres. Cet autel est fidèlement reproduit dans l’Architecture du Ve au XVIIe siècle, de M. Gailhabaud. Nous ne prétendons pas d’ailleurs affirmer qu’il n’y ait point eu en France de devants d’autels ornés de figures de saints ou de personnages divins ; car les exemples d’autels anciens sont trop rares pour que l’on puisse rien affirmer à cet égard.