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d’appareil[1]. Rien ne rappelle, dans la construction du clocher de Brantôme, élevé vers le milieu du XIe siècle, les formes et le mode de bâtir employés dans le clocher de Périgueux, si ce n’est la petite coupole inférieure. Tout indique, dans la tour de Brantôme, une origine latine ; le système de construction, l’appareil, la forme des arcs ; c’est un art complet développé au point de vue de la construction. Il y a même, dans les proportions de cet édifice, une certaine recherche qui appartient à des artistes consommés ; les vides, les saillies et les pleins sont adroitement répartis. La rudesse de la partie inférieure, qui rappelle les constructions romaines, s’allie par des transitions heureuses à la légèreté de l’ordonnance supérieure. Cette école, étrangère et supérieure à celle de Périgueux, ne devait pas s’arrêter en si beau chemin ; nous la voyons se développer de la manière la plus complète dans la construction du clocher de Saint-Léonard (Haute-Vienne), presque contemporain de celui de Brantôme. Conservant le parti adopté dans les étages inférieurs de la tour de Brantôme, l’architecte du clocher de Saint-Léonard entreprit d’élever un beffroi octogone en prenant comme points d’appui les quatre angles de la tour carrée et les quatre pointes des pignons couronnant les arcs percés à la base de ce beffroi, de manière à présenter quatre des angles de son octogone sur le milieu des quatre faces du carré (voy., fig. 6, l’élévation perspective de ce clocher). C’était là un parti tout nouveau, original, franc et parfaitement solide, car les angles de l’octogone ainsi plantés portaient plus directement sur les parties résistantes de la construction, que si cet octogone eût été posé ses faces parallèles aux faces du carré. Cette étude et cette recherche de la construction percent dans l’exécution des détails et dans les proportions de ce beau monument. L’architecte a donné de la grandeur aux divisions principales de sa tour, en plaçant des rangées de petites arcatures aveugles à la base en A et au sommet en B. Il y a, dans cette œuvre remarquable, toutes les qualités que l’on se plaît à reconnaître dans la bonne architecture antique romaine, et, de plus, une certaine finesse, un instinct des proportions qui tiennent à cette école d’architectes de nos provinces occidentales. Un siècle et demi plus tard, ce système de construction de clochers était encore appliqué à Limoges ; mais il devait se perdre au XIVe siècle pour ne plus reparaître après l’invasion des arts du Nord dans ces provinces. Comme à Brantôme, la flèche du clocher de Saint-Léonard est bâtie en moellon.

Postérieurement à la construction du clocher de Saint-Léonard, on élève à Uzerches (Corrèze) un clocher-porche qui conserve encore les caractères principaux du clocher de Brantôme ; mais l’étage supérieur,

  1. De nos jours encore, dans la Vienne, la Dordogne et la Corrèze, on couvre les habitations privées de cette manière : on dresse une charpente très-légère, qui n’est, à proprement parler, qu’une forme, et sur cette forme on pose des assises de moellons en encorbellement de la base au faîte. La construction achevée, on pourrait enlever la charpente intérieure. C’est évidemment là une tradition fort ancienne.