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[développements]
[construction]
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d’angle de cette chapelle à l’autre ? À cela il n’est qu’une réponse ; recourons à nos fig. 41, 42 et 44 de cet article, et l’explication est donnée : il s’agit, à cause de la disposition rayonnante du bas-côté, d’obtenir sur la précinction extérieure un plus grand nombre de points d’appui que sur la précinction intérieure, afin d’avoir des arcs doubleaux à peu près égaux comme base, exactement égaux sous clef pour fermer les triangles des voûtes au même niveau.

Si les voûtes de la chapelle de la Vierge et du collatéral de la cathédrale d’Auxerre sont disposées comme la plupart des voûtes bourguignonnes du XIIIe siècle, c’est-à-dire si leurs formerets sont éloignés des murs, et si un dallage portant chéneau réunit ces formerets aux têtes de ces murs, l’architecte du chœur n’a pas cru probablement que ce procédé de construction fût assez solide pour terminer les grandes voûtes du vaisseau principal. Il a dû craindre le quillage de ce système dans un édifice très-vaste, et il a pris un moyen terme entre le système champenois et le système bourguignon.

Le système champenois consiste bien à isoler le formeret du mur, mais à bander entre ce formeret et le mur un berceau sur l’extrados dudit formeret. Examinons donc en quoi consiste le système champenois. Nous le voyons arrivé à son apogée dans un petit édifice de la Marne, l’église de Rieux, près Montmirail. Voici d’abord (86) la moitié du plan de l’abside de cette jolie église. On voit que ce plan ressemble beaucoup à celui de l’abside de Notre-Dame de Dijon. Mais nous sommes en Champagne, sur un territoire où les matériaux résistants et d’une grande dimension sont rares ; aussi les pilettes A ne sont plus composées de colonnes en délit : ce sont des groupes de colonnettes engagées présentant une assez forte section pour pouvoir être bâties en assises. De plus, ces pilettes, au lieu d’être élancées, sont courtes. Examinons maintenant l’abside de Rieux à l’intérieur (87) ; nous voyons en B des berceaux concentriques aux formerets, y tenant, circonscrivant les fenêtres et portant la charpente du comble et la corniche extérieure[1]. Ainsi, voici deux provinces Voisines, la Bourgogne et la Champagne, qui chacune partent du même principe de construction ; mais dans la première de ces provinces, les matériaux propres à la maçonnerie sont abondants, fermes, faciles à extraire en grands morceaux ; la construction se ressent des propriétés particulières au calcaire bourguignon ; dans la seconde, au contraire, on ne trouve que des bancs de craie, des pierres marneuses, peu solides, ne pouvant être extraites des carrières qu’en morceaux petits ; les architectes soumettent leur mode de construction à la nature des pierres de leur province. L’église de Rieux date des premières années du XIIIe siècle ; la sculpture

  1. M. Millet a bien voulu relever pour nous ce charmant petit édifice fort peu connu, et le meilleur type peut-être de l’architecture champenoise du commencement du XIIIe siècle.