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[développements]
[construction]
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colossale, quelques précautions que nous prenions, la construction devant se composer d’une quantité considérable de pierres, jamais nous ne pourrons relier les deux parements assez exactement pour résister à cette différence de pression qui s’exerce à l’intérieur et à l’extérieur ; notre maçonnerie se dédoublera, et les effets que nous venons de signaler se produiront. Il faut donc user d’artifice. Il faut faire en sorte que le parement extérieur, moins chargé, présente une roideur supérieure au parement intérieur, et qu’au droit des retraites il y ait une liaison très-puissante avec le corps de la bâtisse. En d’autres termes, il faut que le parement extérieur étaye le corps de la maçonnerie et produise l’effet que rend sensible la fig. 90 bis. Or cela n’est pas aisé lorsque l’on ne possède que des pierres ayant toutes à peu près la même dimension. Cependant l’architecte de la façade de la cathédrale de Paris est arrivé à ce résultat par la combinaison très-savante et bien calculée de sa construction. Il a commencé par établir chaque tour, non sur des murs pleins, mais sur des piles (voy. le plan de la cathédrale de Paris, au mot Cathédrale), car il est plus aisé de donner de l’homogénéité à la construction d’une pile qu’à celle d’un mur. Ces piles extérieures et intérieures sont bâties en assises de pierre dure, régulières, bien arasées, renfermant un blocage excellent et composé de grosses pierres noyées dans un bain de mortier. La pile intérieure est contre-buttée en tous sens puisqu’elle est intérieure, et elle supporte un poids vertical ; mais les piles donnant à l’extérieur, sur le parvis ou latéralement, ont dû être étayées par un puissant empattement. Or toute la construction est bien parementée en longues pierres à l’intérieur et à l’extérieur, et, du soubassement à la souche des tours, les contre-forts sont construits ainsi que l’indique la fig. 91.

Il est résulté de la méthode employée que, bien qu’il y ait eu une pression beaucoup plus forte exercée sur le parement intérieur (dont la ligne ponctuée AB indique la pénétration à travers la saillie des jambages des baies à différentes hauteurs) que sur le parement extérieur des contre-forts, et que, par suite de cette pression, on puisse remarquer un tassement sensible à l’intérieur, toutes les charges se reportant, par la disposition des blocs de pierre noyés dans l’épaisseur du blocage et cramponnés à diverses hauteurs, sur le parement extérieur, et formant, comme l’indique la fig. 91 bis, une superposition d’angles en dents de scie, la charge CD pèse sur la base EF, la charge EG pèse sur la base IK, la charge IL pèse sur toute la base MN, et ainsi de suite jusqu’en bas du contre-fort. Mais puisque, par le fait, la dépression doit se faire entre les points EG, IL, MO, PR, il en résulte que les saillies GF, LK, ON, RS, viennent appuyer très-fortement leurs angles F, K, N, S, sur le parement extérieur V ; or celui-ci subissant une dépression moindre que le parement intérieur, puisqu’il est moins chargé, remplit l’office de l’étayement que nous avons indiqué dans la fig. 90 bis.

Aujourd’hui que nous n’élevons plus de ces constructions colossales et composées de parties très-diverses, nous ne soupçonnons guère les effets