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chéneau intermédiaire. Les architectes du moyen âge ayant cru devoir adopter des combles dont la pente est au-dessus de 45 degrés, et ne connaissant pas les toits à brisis, ne pouvaient comprendre un bâtiment double en profondeur sous un seul toit, car ce toit eût atteint alors des dimensions énormes en hauteur. Chaque corps de logis, chaque pavillon, chaque escalier possédant son comble particulier, soit en pyramide, soit en appentis, soit à deux pentes avec pignons ou avec croupes, il était facile de poser, au besoin, ces combles à des niveaux différents, d’obtenir ainsi des pièces élevées entre planchers lorsqu’elles étaient grandes, ou basses lorsqu’elles étaient petites. Cette méthode employait beaucoup de bois, une surface de couverture très-étendue, exigeait des chéneaux en plomb à l’intérieur ; mais elle avait cet avantage sur celle qui consiste à envelopper tous les services d’un bâtiment sous un même toit, de fournir aux architectes des ressources variées quant aux hauteurs à donner aux pièces, de leur permettre d’ouvrir un très-grand nombre de lucarnes pour éclairer les pièces supérieures, de dégager les couronnements des escaliers qui servaient ainsi de guettes au-dessus des combles et procuraient une ventilation pour les étages inférieurs. Comme aspect, ces combles distincts couvrant des corps de logis groupés, accusant leur forme et leur destination, étaient très-pittoresques et donnaient aux grandes habitations l’apparence d’une agglomération de maisons plus ou moins hautes, plus ou moins étendues en raison des services qu’elles contenaient. Cela, on le conçoit, différait de tous points de nos constructions modernes, et il faut dire que ces traditions se conservèrent jusque vers le milieu du XVIIe siècle. Comme principe, sinon comme forme, on retrouve dans ces dispositions la trace des grandes habitations antiques, des villæ, qui n’étaient, à vrai dire, que des groupes de bâtiments plus ou moins bien agencés, mais distincts par leur forme, leur hauteur et leur couverture. Très-peu soumis aux lois de la symétrie, les architectes du moyen âge plaçaient d’ailleurs les différents services des grandes habitations, d’après l’orientation, en raison des besoins des habitants et en se conformant à la configuration du sol. C’était encore là un point de ressemblance avec les villæ antiques qui, dans leur ensemble, n’avaient rien de symétrique. Dans les cités, presque toutes fortifiées alors, le terrain était rare comme dans toutes les villes fermées. Dans les châteaux, dont on cherchait toujours à restreindre le périmètre autant par des motifs d’économie que pour les pouvoir défendre avec une garnison moins nombreuse, la place était comptée. Il fallait donc que les architectes cherchassent, à la ville comme à la campagne, à renfermer le plus de services possibles dans un espace relativement peu étendu. Sous ce rapport, les constructions civiles du moyen âge diffèrent de celles des anciens ; ceux-ci, dans leurs villæ, ne bâtissaient guère que des rez-de-chaussée et occupaient de grandes surfaces. Obligés de se renfermer dans des espaces resserrés, les constructeurs du moyen âge se virent contraints de prendre des dispositions intérieures différentes également