Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 4.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[principes]
[construction]
— 49 —

dont les voûtes primitives durent être élevées vers 1160[1], les formerets, qui sont de cette époque, sont plein cintre. À la cathédrale de Sens, bâtie vers ce même temps, les formerets étaient plein cintre[2], tandis que les archivoltes et les arcs doubleaux sont en tiers-point. Il en est de même dans le chœur de l’église abbatiale de Vézelay, élevé à la fin du XIIe siècle ; les formerets sont plein cintre. Dans ces édifices, et à Sens particulièrement, les piles, sous les poussées et charges combinés des arcs ogives et arcs doubleaux, présentent une section horizontale très-considérable formée de faisceaux de colonnettes engagées ; tandis que sous la charge de l’arc doubleau seul les piles se composent de colonnes monocylindriques jumelles posées perpendiculairement à l’axe de la nef. À Noyon, les arcs doubleaux intermédiaires, avant la reconstruction des voûtes, posaient sur une seule colonne. Mais la nef de la cathédrale de Sens est beaucoup plus large que celle de la cathédrale de Noyon, et la construction est de tous points plus robuste. Cette disposition de voûtes, comprenant deux travées et répartissant les poussées et charges principales de deux en deux piles, avait, dans l’origine, permis aux constructeurs de ne placer des arcs-boutants qu’au droit de ces piles principales. Il est probable qu’à la cathédrale de Sens c’était là autrefois le parti adopté ; peut-être en était-il de même à la cathédrale de Noyon, comme à celle de Paris. Mais ces édifices ayant été plus ou moins remaniés au XIIIe siècle, il est impossible de rien affirmer à cet égard. Ce dont on peut être certain, c’est qu’à la fin du XIIe siècle les constructeurs n’avaient adopté l’arc-boutant qu’en désespoir de cause, qu’ils cherchaient à l’éviter autant que faire se pouvait, qu’ils se défiaient de ce moyen dont ils n’avaient pu encore apprécier les avantages et la puissance ; qu’ils ne le considéraient que comme un auxiliaire, une extrême ressource, employée souvent après coup, et lorsqu’ils avaient reconnu qu’on ne pouvait s’en passer. La meilleure preuve que nous en puissions donner, c’est que, quelques années plus tard, les architectes, ayant soumis définitivement, dans les édifices à trois nefs, leur système de voûtes à une raison d’équilibre, opposèrent des arcs-boutants aux poussées des voûtes qui n’en avaient eu que partiellement ou qui n’en possédaient pas, et supprimèrent les arcs-boutants du XIIe siècle, probablement mal placés ou insuffisants, pour les remplacer par des buttées neuves et bien combinées, sous le rapport de la résistance ou de la pression.

Il nous faut, avant de passer outre, entretenir nos lecteurs des procédés de construction, de la nature et des dimensions des matériaux employés. Nous avons vu, au commencement de cet article, comment les constructeurs romans primitifs élevaient leurs maçonneries, composées de blocages enfermés entre des parements de pierre de taille ou de moellon piqué.

  1. Ces voûtes furent refaites, au XIIIe siècle, sur la grande nef, sauf les formerets primitifs laissés en place.
  2. Ces formerets furent rehaussés à la fin du XIIIe siècle, ainsi qu’on peut encore le reconnaître dans les travées de l’abside.