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Ces premières pièces d’artillerie à feu furent remplacées par les bombardes et les canons.

Dès 1412, l’usage des bombardes et canons faisait disparaître les engins offensifs pour la défense des places. « Il résulte, dit Jollois dans son Histoire du siége d’Orléans (1428), d’un relevé fait avec soin par feu l’abbé Dubois, qu’en 1428 et 1429 la ville d’Orléans possédait soixante-onze bouches à feu, tant canons que bombardes, toutes en cuivre. Dans le nombre de ces bouches à feu sont compris le canon qui avait été prêté à la ville d’Orléans par la ville de Montargis, un gros canon qu’on avait nommé Rifflard[1], une bombarde faite, dit le journal du siège, par un nommé Guillaume Duisy, très-subtil ouvrier, qui lançait des boulets de pierre de cent vingt livres pesant, et si énorme qu’il fallût vingt-deux chevaux[2] pour la conduire avec son affût du port à l’Hôtel-de-ville. Ces deux canons et cette énorme bombarde étaient mis en batterie sur la tour de la croiche de Meuffray, sise entre le pont et la poterne Chesneau, d’où ils foudroyaient le fort des Tournelles dont les Anglais s’étaient emparés. Parmi les bouches à feu que nous venons d’indiquer, il faut compter un canon[3] qui lançait des boulets de pierre jusqu’à l’île Charlemagne… Ce ne fut que sous le règne de Louis XI qu’on substitua des boulets de fer aux boulets de pierre. » Cependant on employait encore ces derniers à la fin du XVe siècle.

Quoique les noms de canon et de bombarde aient été donnés indifféremment aux bouches à feu qui lançaient des boulets de pierre cependant la bombarde paraît avoir été donnée de préférence à un canon court et d’un très-gros diamètre, lançant les projectiles à toute volée ; tandis que le canon, d’un plus faible diamètre, plus long, pouvait envoyer des boulets de but en blanc.

Ces bombardes sont quelquefois désignées sous le nom de basilics. Au siège de Constantinople, en 1413, Mahomet II mit en batterie des bombardes de 200 livres de boulets de pierre. Ces pièces avaient été fondues par un Hongrois. Une de ces bombardes était même destinée à envoyer un boulet de 850 livres ; deux mille hommes devaient la servir et dix paires

  1. Voy. le journal du siège, p. 21. Il était d’usage de donner des noms aux engins pendant le moyen âge, comme de nos jours on donne des noms aux canonnières de la marine. Jusqu’au XVIe siècle, les bouches à feu avaient chacune leur nom ; peut-être avaient-elles des parrains comme les cloches.
  2. Ce fait est le résultat de la dépense consignée dans les comptes de forteresses « pour payement de ce transport. »
  3. On voit, dans les comptes de forteresses de la ville d’Orléans, qu’un habile « ouvrier, nommé Naudin-Bouchart, fondit, pendant le siège, un canon très-beau et très-long pour jeter des boulets, de dessus le pont, dans l’île de Charlemagne, aux Anglais qui traversaient la Loire pour passer de cette île au champ de Saint-Pryvé où ils avaient une bastille. » Du vieux pont au milieu de l’île Charlemagne il y avait quinze cents mètres ; les bombardes et canons ne pouvaient alors porter à une aussi grande distance ; le canon de Naudin-Bouchart fut une innovation.