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des végétaux les plus délicats et les plus difficiles à rendre sur la pierre ou le bois ; la Renaissance vint arrêter cette progression de la sculpture vers le réalisme outré. Pendant quelques années, de 1480 à 1510, on voit la vieille école française de sculpture mêler ses traditions aux réminiscences de l’antiquité ; mais il est facile de reconnaître que les artistes ne vont plus puiser aux sources naturelles, qu’ils ne consultent plus la flore, et que leurs ornements ne sont autre chose que des poncifs plus ou moins habilement exécutés. Ils copient, ou interprètent plutôt, les ornements empruntés à l’antiquité sans les comprendre ; en mêlant ces imitations aux derniers vestiges de l’art gothique, ils produisent encore des œuvres remarquables, tant le goût de la sculpture était vivace chez nous alors, tant les exécutants étaient habiles de la main. Mais, à travers cette confusion de styles et d’origines, on a bien de la peine à suivre la marche d’un art ; c’est un mouvement imprimé par une école puissante, qui continue longtemps après la disparition de cette école. Peu à peu, cependant, l’exécution s’amollit, et l’art de la sculpture d’ornement, à la fin du XVIe siècle, n’est plus qu’un pâle reflet de ce qu’il était encore en France sous le règne de Louis XII ; l’étude de la nature n’entre plus pour rien ni dans la composition ni dans le travail de l’artiste ; les ornements perdent ce caractère vivant et original qu’ils possédaient un siècle auparavant pour se reproduire de proche en proche sur des types qui, chaque jour, s’abâtardissent. Vers le commencement du XVIIe siècle, l’ornementation se relève quelque peu par suite d’une étude plus attentive de l’antiquité ; mais l’originalité, la sève manquent depuis lors à cet art que notre vieille école laïque avait su porter si haut.

FONDATION, s. f. Les Romains de l’empire ont toujours fondé leurs édifices sur un sol résistant, au moyen de larges blocages qui forment, sous les constructions, des empattements homogènes, solides, composés de débris de pierres, de cailloux, quelquefois de fragments de terre cuite et d’un mortier excellent. Les fondations romaines sont de véritables rochers factices sur lesquels on pouvait asseoir les bâtisses les plus lourdes sans craindre les ruptures et les tassements. D’ailleurs la construction romaine étant concrète, sans élasticité, il fallait nécessairement l’établir sur des bases immuables. Pendant la période romane, les édifices sont généralement mal fondés, et cela tenait à plusieurs causes : on connaissait peu la nature des sols, les approvisionnements considérables de matériaux étaient difficiles, on ne savait plus cuire et employer convenablement la chaux. Nous avons expliqué ailleurs (voy. Carrière, Construction) les raisons qui s’opposaient à ce que les constructeurs romans pussent réunir beaucoup de matériaux en un court espace de temps, et pourquoi, n’ayant pas les ressources dont disposaient les Romains, ils négligeaient souvent les fondations des édifices les plus importants.

Les architectes laïques de l’école du XIIe siècle avaient vu tant de constructions romanes s’écrouler, par faute de fondations ou par suite de