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avaient cure du temporel et du spirituel des léproseries logeaient dans des bâtiments voisins de l’église.

Il est clair que les dispositions architectoniques n’avaient rien à voir dans ces enclos parsemés de cabanes. Il n’en est pas de même pour les hôpitaux. Il nous reste, de l’époque du moyen âge et particulièrement des XIIe et XIIIe siècles, d’admirables bâtiments affectés aux malades recueillis dans les monastères, dans le voisinage des cathédrales, ou même dans des cités florissantes. Chaque monastère possédait son aumônerie, c’est-à-dire un personnel chargé d’exercer l’hospitalité. Pendant le moyen âge, l’hospitalité était obligatoire. Dès l’époque carlovingienne, il existait des impôts destinés à secourir les pauvres, les pèlerins, les malades. Charlemagne avait, dans ses ordonnances et capitulaires, recommandé à ses sujets d’offrir l’hospitalité, et « il n’était pas permis alors de refuser aux voyageurs le couvert, le feu et l’eau[1]. » Les communes rivalisèrent avec les rois, les seigneurs et les simples particuliers, dans ces œuvres de bienfaisance. Beaucoup de villes établirent des hospices, à leurs dépens, soit dans des bâtiments neufs, soit dans des édifices abandonnés que l’on faisait restaurer en vue de cette destination. Des hospices furent même bâtis dans des lieux isolés pour servir de refuges aux voyageurs et les garantir contre les voleurs qui infestaient les routes ; ces bâtiments étaient souvent fondés par des cénobites et sous la garde de religieux. Les villes étant habituellement fermées le soir, les voyageurs attardés étaient contraints de passer la nuit à la belle étoile ; des maisons de refuge, sortes de caravansérails gratuits, s’élevèrent non loin des portes. « En 1202, deux nobles allemands voulurent remédier à ce grave inconvénient, et firent construire un hospice hors la porte de Saint-Denis à Paris. Un emplacement d’une contenance de deux arpents fut promptement couvert de bâtiments. Une grande salle en pierre de taille, élevée au milieu du sol au moyen d’arcades formées à croix d’osier, y fut construite pour y coucher les pauvres ; elle avait vingt-deux toises et demie de long et six toises de largeur[2]. » En 1310, le nombre des maisons-Dieu, maladreries et léproseries qui recevaient des secours en argent sur la cassette particulière du roi de France, était de cinq cents environ ; dans la banlieue de Paris seulement, quarante-huit maladreries profitaient de ces dons. La charité publique et privée sut encore rendre son assistance plus efficace, en fondant des hôpitaux pour certaines infirmités particulières. Saint Louis donna l’exemple en faisant bâtir l’hospice des Quinze-Vingts pour les aveugles de Paris ; sans parler des léproseries, on fonda, dans beaucoup de villes, des hospices pour les boiteux, pour les fous, pour les vieillards indigents, pour les femmes en couche. Les confréries voulurent aussi avoir leurs maisons de refuge, leurs hospices,

  1. Voy. Droits et usages concern. les travaux de construction publ. ou privées sous la troisième race des rois de France, par M. A. Champollion-Figeac, p. 166. Paris, 1860.
  2. Ibidem.