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poteau pincé à sa base par les moises. Au sommet de la corniche H est élevé un talus double de pierre, sur lequel venait s’appuyer le double chevronnage II′, dont le glissement était maintenu par l’équerre J. Sur le banc continu K intérieur étaient posés d’autres poteaux inclinés L, pincés par les moises M et s’assemblant dans les chevrons I′. Sur ces moises M, des longrines recevaient un plancher O, qui, au droit de chaque créneau, se reposait sur la ventrière, mais de manière à laisser entre ces planchers et celui du hourdage un mâchicoulis N à l’aplomb du parement extérieur de la tour. Le plancher O, mis en communication avec la terrasse par quelques escaliers P, permettait d’arriver au plancher du hourdage, et de poster un second rang d’arbalétriers qui pouvaient tirer par les meurtrières en maçonnerie R (voy. la face intérieure T qui représente, en T′, le crénelage nu, et en T″ le crénelage avec les hourds). L’angle du tir est surtout disposé pour couvrir de projectiles le chemin de ronde de la chemise du donjon. Les mâchicoulis suffisaient amplement pour battre le fond du fossé dallé, creusé entre cette chemise et la tour. Les défenseurs postés soit sur le hourdage, soit à l’intérieur, étaient ainsi parfaitement à couvert. Des pierres amassées dans l’embrasure des créneaux sur le plancher O pouvaient être poussées du pied et être jetées rapidement par le mâchicoulis N. En S sont percées les conduites rejetant à l’extérieur les eaux de la terrasse ; ces conduites étaient autrefois garnies de plomb, comme la terrasse elle-même. Un fragment du plan du sommet du donjon de Coucy, avec les hourds posés supposés coupés au niveau ab (7), complète l’explication de la fig. 6.

Nous avons tenu à nous rendre compte de la manière de poser ces hourds, à une hauteur de 46 mètres au-dessus du fond du fossé, sur des consoles isolées en contre-bas des crénelages. Ayant eu à poser un échafaudage à la hauteur de ces consoles, pour placer deux cercles en fer et pour réparer les couronnements profondément lézardés par l’explosion de 1652, nous avons dû chercher naturellement quels avaient été les moyens pratiques employés au XIIIe siècle pour assembler les hourds. Or tout est prévu et calculé dans ce remarquable couronnement de donjon pour faciliter ce travail en apparence si périlleux, et nous avons été conduit, par la disposition même des maçonneries, des pleins et des vides, à appliquer les procédés qu’employaient les charpentiers du XIIIe siècle, par la raison qu’on ne peut en employer d’autres. On se rappelle (voy. Donjon, fig. 38 et 39) comment est tracé le plan de la plate-forme du donjon de Coucy. Cette plate-forme se compose d’un large chemin de ronde circulaire, pourtournant une voûte à douze pans revêtue de plomb et formant un pavillon plat, au centre duquel est percé un œil. Ce chemin de ronde circulaire, et divisé par pentes et contre-pentes pour rejeter les eaux en dehors, pouvait être facilement nivelé au moyen de madriers posés sur cales. Ces madriers (voy. fig. 8), sur deux rangs A et B, formaient deux chemins de bois sur lesquels étaient posée une grue dont les roues A, d’un plus grand diamètre que celles B,