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[jubé]
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d’un jubé contemporain de l’église du XIIe siècle. Toujours suivant les données des cathédrales de cette époque, on ne voit pas qu’une clôture ait été prévue autour du sanctuaire. Or il ne se faisait guère de jubé sans clôture. Nous ne pouvons donc considérer l’opinion de Thiers comme suffisamment fondée pour admettre que, même exceptionnellement, en France, il ait existé des jubés dans les cathédrales bâties par l’école laïque de 1160 à 1230. Nous admettrions plus volontiers que, dans ces édifices, il a pu être élevé des ambons, ou vastes chaires, comme celles de Saint-Marc de Venise, sauf le style ; mais certainement le sanctuaire était entièrement ouvert et souvent de plain-pied avec le collatéral, comme à Notre-Dame de Paris, comme à Meaux, à Sens, et à Senlis primitivement. Les jubés n’apparurent dans les cathédrales qu’après l’acte d’union des barons de France en novembre 1246, c’est-à-dire lorsque les évêques durent renoncer à leur prétention de connaître de toutes les contestations judiciaires, sous le prétexte que tout procès résultant d’une fraude, et que toute fraude étant un péché, c’était au pouvoir religieux à juger les affaires réelles, personnelles ou mixtes, les causes féodales ou criminelles, et même les simples délits. Les évêques étant réduits, par la fermeté du roi saint Louis, par l’établissement de ses baillis royaux et l’organisation du parlement, à s’en tenir à la juridiction spirituelle ou à celle qu’ils possédaient comme seigneurs féodaux ; ne pouvant, comme ils l’avaient espéré au commencement du XIIIe siècle, faire de la cathédrale, la cathedra, le siège de toute espèce de juridiction, se contentèrent d’en faire des églises épiscopales, et s’enfermèrent avec leurs chapitres dans ces vastes sanctuaires élevés sous une inspiration à la fois politique et religieuse (voy. Cathédrale).

Nous avons donné, à l’article Chœur, les figurés de deux jubés, ceux de l’église abbatiale de Saint-Denis et de la cathédrale de Paris. C’est d’après ces dispositions que furent élevés les jubés de Notre-Dame de Chartres, de Saint-Étienne de Bourges, de Notre-Dame d’Amiens, de la cathédrale de Reims, de 1250 à 1500[1]. Celui de la cathédrale d’Alby, qui date du commencement du XVIe siècle ; ceux des églises de la Madeleine à Troyes, de Saint-Étienne-du-Mont à Paris, de Saint-Florentin, d’Arques, qui existent encore, sont des œuvres remarquables de l’époque de la Renaissance.

On conserve, dans l’une des chapelles des cryptes de Notre-Dame de Chartres, les débris de l’ancien jubé jeté bas par le chapitre dans le dernier siècle. Ces fragments, qui appartiennent tous au milieu du XIIIe siècle, sont d’une beauté rare, entièrement peints et dorés ; ils ont été découverts par feu Lassus, notre confrère et ami. Nous avons trouvé depuis peu, sous le dallage du chœur de la cathédrale de Paris, refait par

    confirmée par des fouilles récentes que MM. Lance, architecte diocésain, et Lefort, inspecteur, ont bien voulu faire exécuter sous nos yeux.

  1. Tous ces jubés ont été détruits.