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vée qu’aux services domestiques. De la rue on entre directement dans la salle principale, presque toujours relevée au-dessus du sol de plusieurs marches. Si l’habitation a quelque importance, cette première salle, dans laquelle on reçoit, dans laquelle on mange, est doublée d’une arrière-salle qui sert alors de cuisine, ou, les jours ordinaires, de salle à manger ; les chambres sont situées au premier étage. Mais un plan tracé nous évitera de trop longues explications. Voici donc (3) le plan d’une de ces maisons du commencement du XIIe siècle[1]. De la rue on monte à la salle A par un escalier détourné[2] présentant un premier palier avec banc, puis un second palier fermé devant la porte d’entrée qui est pleine.

Ce second palier est ou porté en encorbellement ou posé à l’angle externe sur une colonnette ; le dessous du palier ainsi suspendu sert d’abri à la descente des caves. Celles-ci sont généralement spacieuses, bien bâties, bien voûtées, avec colonnes centrales et arcs-doubleaux. Quelquefois même il y a deux étages de caves, particulièrement dans les pays vignobles. À côté de la porte d’entrée, qui est pleine et ferrée lourdement, est une petite ouverture pour reconnaître les personnes qui frappent à l’huis. De cette première salle, qui n’est habituellement éclairée que par une fenêtre donnant sur le dehors et par la porte lorsqu’il fait beau[3], on entre dans un dégagement B aboutissant à l’escalier en limaçon qui monte au premier, et sous lequel on passe dans la petite cour D intérieure, commune quelquefois à plusieurs habitations et possédant un puits. C’est sur cette cour que s’éclaire l’arrière-salle C servant de cuisine. Au premier, la distribution est la même ; la pièce du devant sert de chambre à coucher pour les maîtres, la salle postérieure est réservée aux domestiques. Mais ce premier étage est très-souvent construit en bois[4]. Son fenêtrage large occupe plus de la moitié de l’espace et le

  1. D’après des plans recueillis particulièrement en Bourgogne, dans le Nivernais et la haute Champagne.
  2. Cette disposition est fréquente dans les contrées où la pierre est belle et abondante, comme en Bourgogne et la haute Champagne ; elle était adoptée, bien entendu, lorsque les maisons appartenaient à des particuliers n’ayant pas besoin de boutiques sur la rue. On voit des restes de ces maisons avec escalier et palier fermé à Vézelay, à Montréale (Yonne). Nous avons également pu reconnaître ces dispositions dans des habitations de Montbar, de Semur, de Châtillon-sur-Seine, d’Arc-en-Barrois, de Château-Villain, de Joinville. Il existe encore des rez-de-chaussées de ce genre parfaitement conservés dans certaines villes d’Italie et particulièrement à Viterbe (voyez l’Architecture civile et domestique de MM. Verdier et Cattois).
  3. L’usage de laisser les portes des rez-de-chaussées ouvertes dans les temps tranquilles, et lorsque la température n’était pas trop rude, est un usage antique qui s’est perpétué très-tard. Ces portes étaient alors simplement masquées par un rideau. Les vignettes des manuscrits et les vitraux indiquent toujours ce genre de fermeture
  4. Ayant trouvé quantité de ces rez-de-chaussées de maisons du XIIe siècle surmontés d’étages modernes en maçonnerie, nous avons été induit à penser que les premiers étages étaient construits légèrement dans l’origine. C’est alors qu’examinant les têtes des murs de refend qui seules restaient anciennes dans ces constructions,