Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 6.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[maison]
— 261 —

dont la surface prenait encore un espace considérable) ne demeuraient guère chez eux que pour prendre leur repas et dormir. Au moyen âge, au contraire, dans les villes du nord de la France, chaque famille vivait dans sa maison ; les citoyens n’avaient pas d’occasion de se grouper, et les villes eussent-elles été assez riches pour élever de nombreux édifices publics, que le principe du gouvernement féodal s’y serait opposé. L’église était le seul monument de la cité où la réunion des citoyens fût admise ; ainsi s’explique-t-on l’empressement avec lequel les villes populeuses vinrent en aide aux évêques, lorsqu’ils projetèrent de construire les grandes cathédrales. Mais lorsque cet élan fut tout à coup suspendu, la bourgeoisie, trouvant dans le pouvoir royal des garanties sérieuses, se mit à construire des habitations avec une ardeur toute nouvelle, et le bois se prêtait merveilleusement à la satisfaction prompte de ces besoins : rapidité dans l’exécution, économie, et, ce qui importait plus encore, faible surface occupée par les pleins.

Partout ailleurs, jusqu’à la fin du XVIe siècle, l’architecture suit son cours régulier, elle améliore les habitations, les rend plus claires et plus commodes, mais continue à employer les méthodes romaines. La forme seule se modifie. On voit dans la Bourgogne, dans le Lyonnais, dans le Limousin, dans le Périgord, dans l’Auvergne et le Languedoc, des maisons des XIVe et XVe siècles qui ne diffèrent de celles du XIIe et du XIIIe que par leur style d’architecture[1]. Ni la structure, ni la disposition de ces habitations ne se modifient d’une manière sensible. Dans des provinces plus méridionales encore et qui, au XIVe siècle, n’étaient pas françaises, on voit élever, à cette époque, des habitations dont le style conservait absolument le caractère roman. Telles sont, par exemple, quelques maisons de la ville de Perpignan ; l’une de ces maisons, qui depuis avait été affectée au service du palais de justice, présente une façade d’un goût presque antique, malgré les détails empruntés au style aragonais de cette époque (24)[2]. Du côté de l’est, les traditions de la construction romane se conservent aussi très-tard dans les habitations, c’est-à-dire jusqu’au XVe siècle. Certaines maisons de Trèves, de Cologne, de Mayence, qui ont été élevées au commencement du XIIIe siècle, pourraient, dans l’Île-de-France et la Champagne, passer pour des maisons romanes. On retrouve même encore dans quelques-unes de ces habitations des dispositions particulières qui n’appartiennent en France qu’au XIIe siècle ou au commencement du XIIIe : telles sont, par exemple, ces cheminées dont les tuyaux sont portés en encorbellement sous les murs

  1. Voy. l’Architecture civile et domestique, de MM. Verdier et Cattois.
  2. Les colonnettes des fenêtres du premier étage de cette maison sont en marbre ; le reste de la façade est construit en pierre et en petit moellon. On remarquera l’appareil exagéré des claveaux de la porte centrale, les plates-bandes des baies latérales du rez-de-chaussée. Il y a là les restes de traditions qui sont bien éloignées de celles des provinces du Nord.