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[maison]
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une maison de Beauvais[1] qui présentait cette disposition. Au rez-de-chaussée était un portique avec boutiques en arrière, ainsi qu’on en voit encore à Reims[2]. Le premier étage sur la rue se composait de deux pièces auxquelles on montait par un escalier à vis disposé au fond de l’allée A. Sous le comble était une grande pièce éclairée par deux lucarnes, une sur la rue, l’autre sur une petite cour. Cette habitation datait du commencement du XVe siècle. Il existe encore quelques maisons de ce genre à Orléans, sauf le portique.

Après la guerre de l’indépendance, au XVe siècle, lorsque les Anglais furent contraints d’abandonner le nord et l’ouest de la France, il y eut, sous le règne de Louis XI, un mouvement prononcé de prospérité au sein des populations urbaines. Des constructions privées s’élevèrent en grand nombre, à Paris, à Reims, à Orléans, à Beauvais, à Rouen, dans toutes les cités de la Normandie, de la Picardie et de l’Île-de-France. Par suite de ce besoin de construire, le terrain acquit une valeur considérable, et tout en laissant une circulation libre à rez-de-chaussée, en supprimant même les portiques dont les piliers ou poteaux étaient un embarras, on posa les façades en encorbellement sur la rue dès le niveau du plancher du premier étage. Ces façades devenaient ainsi de véritables bretèches, larges et donnant aux étages jusqu’à deux mètres de saillie sur le nu du soubassement. Les devantures des boutiques étaient dès lors parfaitement abritées. Ce système de construction était surtout admis au débouché des rues sur les places de marchés, presque toujours entourées de portiques.

On voit encore à Reims[3] une maison dont la façade en pan de bois, parfaitement conservée du haut en bas, est ainsi portée en encorbellement sur cinq fortes potences et est en saillie de 1m,65 sur la voie publique (26 bis). D’un côté, un mur mitoyen A en pierre porte les cheminées, et sa jambe étrière reçoit deux liens. De l’autre, la mitoyenneté n’est établie que sur un simple pan de bois. Les statues en bois qui étaient rapportées sur le poteau cornier du côté de la jambe étrière de pierre n’existent plus ; mais les deux liens inférieurs extrêmes représentent sculptés, en demi-ronde bosse, d’un côté Samson tuant le lion, et de l’autre saint Michel terrassant le démon. Ce pan de bois de face, faisant bretèche, puisqu’il prend un jour latéral, est taillé avec une grande perfection ; et il faut, en effet, que ses assemblages aient été parfaitement disposés, puisque la charpente n’a pas subi de déformation, bien que dans toute sa hauteur il n’y ait pas de croix de Saint-André. Les intervalles des poteaux sont hourdés en maçonnerie et enduits.

Voici également (27) une maison de Rouen en pan de bois, à quatre étages, un peu antérieure à la précédente, c’est-à-dire appartenant à la

  1. Cette maison existait encore sur la place de Beauvais, côté oriental, en 1834.
  2. D’une époque plus récente.
  3. Place des Marchés.