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Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV, Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Caen, Nantes, virent élever quantité de beaux hôtels, qui conservaient encore la disposition des habitations des nobles et riches bourgeois du moyen âge et de la Renaissance. Les hôtels Lambert, Carnavalet, de Mazarin (Bibliothèque impériale), de Pimodan, de Soubise (archives de l’Empire), sont encore des modèles de grandeur et de bon goût qui font quelque tort à tout ce que l’on fait en ce genre de nos jours. C’est qu’il est plus facile d’acquérir la richesse que le sentiment de la grandeur et le goût.

maisons des champs. — Ainsi que nous l’avons dit en commençant cet article, il ne faut pas confondre la maison des champs avec le manoir. Le manoir est l’habitation d’un gentilhomme, d’un chevalier, qui ne possède pas les droits seigneuriaux de haute et basse justice, mais qui est propriétaire terrien et qui n’a d’autre redevance à fournir au seigneur que le service militaire personnel (voy. Manoir). La maison des champs, la masure, est l’habitation du fermier, du colon, du métayer, du bordier, du paysan. Les habitants des campagnes renouvellent moins souvent que ceux des villes leurs demeures, d’abord parce qu’ils sont plus pauvres, puis parce que leurs besoins varient peu. Un citadin de nos jours n’a rien conservé des habitudes de son aïeul, tandis qu’un paysan, au milieu du XIXe siècle, vit à peu près comme vivait celui du XIVe. Aussi, plus on descend les degrés de l’échelle et moins on trouve de différences entre les demeures des champs du moyen âge et celles de notre temps. En parcourant les campagnes de nos provinces françaises qui ont été particulièrement soustraites au contact des habitants des grandes villes, comme certaines parties du Languedoc, la Corrèze, l’Auvergne, le Berry, la Saintonge, la Bretagne, la Haute-Marne, le Morvan, le Jura et les Vosges, on découvre encore des habitations séculaires qui n’ont été que bien légèrement modifiées et nous fournissent, très-probablement par transmission, des exemples des demeures des campagnards gallo-romains.

En effet, dans ces habitations, on reconnaît l’emploi de certains procédés de construction qui conservent tous les caractères d’un art naïf, et si la matière est brute, si la main-d’œuvre est grossière, l’application du principe est vraie et parfois tout empreinte de ce charme qui s’attache aux arts primitifs, pour qui sait voir. Il existe encore, au milieu des bois du Morvan, certaines demeures de paysans dans lesquelles un campagnard éduen, s’il revenait après dix-huit siècles, ne trouverait nul changement ; et nous avons vu même, sur les bords de la Loire, de la Seine et dans les Vosges, des paysans demeurant dans des grottes creusées de mains d’hommes, qui sont conservées telles que les armées romaines ont pu les voir. La variété de ces demeures des champs sur le sol de la France est une des preuves de la conservation de traditions reculées ; car si toutes nos maisons des villes se ressemblent aujourd’hui, il n’en est pas ainsi dans les campagnes, et la chaumière du Picard ne