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[menuiserie]
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L’hôtel de La Trémoille, à Paris, possédait encore dans l’étage au-dessus du portique donnant sur la cour des châssis de croisée fort délabrés et dépendant de la construction primitive, datant de la fin du XVe siècle. Ces châssis (21) garnissaient des fenêtres composées d’un meneau central avec une traverse de pierre. Ils consistaient donc en quatre compartiments : deux grands oblongs inférieurs et deux carrés. En A, nous donnons l’un des châssis inférieurs et en B l’un des châssis posés au-dessus de la traverse.

Ces châssis possédaient des dormants fixés dans la feuillure de pierre par des pattes, ainsi que cela se pratique encore aujourd’hui. Les châssis inférieurs pouvaient s’ouvrir dans toute leur hauteur de a en b au moyen de paumelles, et partiellement en tabatière, de c en d. Les châssis supérieurs s’ouvraient aussi au moyen de paumelles. En C est tracée la section sur ef, les châssis AB étant vus à l’intérieur. En D est indiqué l’angle inférieur du châssis A avec les jets d’eau à l’extérieur.

Nous avons tracé à une échelle double, c’est-à dire à 0m,10 pour mètre, en A′, la section sur gh ; en F, la section sur ik ; en G, la section sur lm ; en H, la section sur mn, et en I la section sur op. En L est donnée la section sur rs, et en M la section sur tv. Des feuilles de volets à jour, indiquées en VXY, se repliant en deux, ainsi qu’il est marqué en u, ferrées sur les dormants, permettaient de masquer les vitres à l’intérieur.

Ces croisées, en bon bois de chêne, étaient tracées et façonnées avec grand soin ; leurs vitraux étaient, comme nos vitres, posés en feuillure et mastiqués. La figure 22 donne l’assemblage du jet d’eau inférieur A dans le montant du dormant B. On voit en D comment le jet d’eau du grand châssis ouvrant venait s’embréver en partie dans le montant dormant possédant une gueule de loup. C donne le profil de ce jet d’eau A ; ce profil était tracé de manière à empêcher l’eau de pluie chassée par le vent, suivant l’inclinaison ab, de remonter dans la feuillure c. La courbe db obligeait la goutte d’eau, poussée par le vent sur ce profil, à suivre la courbe de, c’est-à-dire à retomber à l’extérieur. Ces détails font voir avec quelle attention les menuisiers de cette époque établissaient leurs épures, comme ils donnaient aux moulures une forme convenable en raison de leur place et de leur destination. Il faut reconnaître que depuis ce temps nous n’avons pas fait de progrès sensibles dans l’art de la menuiserie de bâtiment.

Les châssis de croisée n’étaient point ferrés alors comme ils le sont aujourd’hui au moyen d’équerres entaillées ; les ferrures des paumelles, qui quelquefois formaient équerres, étaient posées sur le bois au moyen de clous et d’attaches (mais non entaillées) : il fallait donc que les assemblages de ces châssis fussent très-bien faits pour éviter des déformations et les dislocations. Les ferrures entaillées sont une bonne chose, mais les menuisiers s’y fient trop pour maintenir les assemblages ; puis elles contribuent singulièrement à l’extérieur à hâter la pourriture des bois précisément au droit de ces assemblages.