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[pilier]
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Dès la fin du XIIIe siècle, l’école champenoise, qui, à partir de 1250, avait pris les devants sur les autres écoles gothiques, cherchait des sections de piliers qui fussent rigoureusement logiques, c’est-à-dire qui ne fussent que la section, réunie en faisceau, des arcs que portaient ces piliers. Alors les profils des arcs commandaient impérieusement les sections des piles, et, pour tracer un pilier, il fallait commencer par connaître et tracer les divers membres des voûtes.

Les gens qui élevèrent l’église Saint-Urbain de Troyes, vers 1290, prirent, dès cette époque, le parti radical que nous venons d’indiquer ; mais on comprendra facilement que la forme consacrée du gros pilier cylindrique central ne devait plus s’accorder avec ce système nouveau, la réunion en faisceau de tous ces nerfs d’arcs ne pouvant se résoudre en un cylindre, même en y joignant des appendices comme on l’avait fait précédemment et comme l’indiquent les figures 15 et 16. Il fallait abandonner absolument la tradition de la grosse colonne centrale, qui persistait encore vers le milieu du XIIIe siècle. Entraînés par la marche logique de leur art, les constructeurs de Saint-Urbain n’hésitèrent pas, et nous voyons que dans le même édifice et pendant un espace de temps très-court (dix ans au plus), ils abordent franchement le pilier prismatique, en supprimant les chapiteaux.

La figure 17 présente en A une des quatre piles du transsept. Cette pile porte deux arcs-doubleaux B des grandes voûtes, deux archivoltes C de bas côtés, la branche d’arc ogive D de la voûte de la croisée, deux branches d’arcs ogives E des voûtes hautes, et la branche d’arc ogive F de la voûte du collatéral. Son plan affecte la forme donnée par les profils de ces huit arcs, et place les points d’appui verticalement sous la trace des sommiers de ces arcs. La première pile de la nef, dont la section est donnée en G, indique de même la projection horizontale des sommiers des archivoltes B′, des arcs ogives E′ des grandes voûtes, et des arcs ogives E″ des voûtes des bas côtés, ainsi que celle des arcs-doubleaux H des grandes voûtes et I des basses voûtes. Ces piles portent encore des chapiteaux, très-bas d’assise, parce que le profil des arcs des voûtes n’est pas identique avec la section de ces piliers. Mais la seconde pile de la nef donne la section K, et est tracée de telle façon, que les archivoltes L, les arcs-doubleaux H et I, les arcs ogives M, viennent pénétrer exactement cette section, les membres a tombant en a′, les membres b en b′, les membres c en c′, les membres d en d′, etc. Mais, pour ne pas affaiblir la pile par des évidements, les cavets, gorges et profils e viennent rencontrer les surfaces pleines e′, les arêtes vives f des boudins s’accusant sur la pile par les arêtes f′. Dès lors les chapiteaux sont supprimés. Une semblable tentative, datant des dernières années du XIIIe siècle, ne laisse pas d’être d’un grand intérêt, quand on voit que pendant le XIVe encore, dans la province de l’Île-de-France et en Normandie, on s’en tenait à des sections de piles n’accusant pas entièrement la section des arcs des voûtes, et nécessitant par conséquent l’emploi