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conformes au profil B. Les arches ne sont pas tracées suivant un arc de cercle, mais forment une ellipse, ainsi que le montre la figure, obtenue au moyen de trois centres. C’était un moyen de donner plus de puissance aux reins des arcs, et de permettre l’établissement des trompes avec escaliers. Les piles qui possèdent des trompes étaient percées de trois arcades, au lieu d’une seule, au-dessus des éperons (la chapelle bouchant l’arcade centrale dans la pile C). Cette précaution était bien nécessaire pour donner une issue aux crues du fleuve, car les eaux s’élèvent parfois jusqu’au niveau G[1].

En H nous donnons la section d’une arche, avec le profil en travers de la pile B. Ces arches sont construites au moyen de quatre rangées de claveaux de 70 centimètres de hauteur juxtaposés. Ce sont de véritables arcs-doubleaux parfaitement appareillés, dont les lits se suivent, mais qui ne se liaisonnent point entre eux. Ils ne sont rendus solidaires que par le massif de maçonnerie qui les surmonte et les charge. Il est à croire que les maîtres pontifes avaient voulu en cela copier un monument romain assez voisin, l’aqueduc du Gard, dont les arches maîtresses sont construites suivant ce système. En K nous présentons un tracé perspectif des trompes posées en a à deux des quatre piles existantes, avec l’arrangement de l’escalier en encorbellement qui permet de descendre dans la chapelle.

Nous ne savons aujourd’hui comment le pont d’Avignon se terminait du côté de la ville, lorsqu’il fut construit à la fin du XIIe siècle. Très-élevé au-dessus du sol des rues, il aboutissait déjà probablement à une défense d’où l’on descendait dans la cité. Au XIVe siècle, les papes le terminèrent par un nouveau châtelet très-fort qui défendait l’entrée de la ville ; mais si l’on ne voulait pas entrer dans la cité, ou si les portes du châtelet se trouvaient fermées, on pouvait du tablier du pont, descendre sur le quai qui longe le rempart, par un large emmarchement placé en amont.

Du côté du Languedoc on se heurtait, en traversant le pont, contre la tour formidable de Villeneuve et ses défenses accessoires ; on entrait dans l’enceinte de la forteresse, ou bien, tournant à droite et passant par une porte, on entrait dans l’enceinte extérieure de Villeneuve. La figure 2 présente un aspect général du pont d’Avignon, avec le coude qu’il formait vers le milieu du grand bras. Au bas de la figure est le châtelet actuel bâti par les papes. En A est l’île traversée par le pont, et souvent inondée ; à l’extrémité supérieure, la tour de Villeneuve. Toute la construction du pont, sauf les revêtements des éperons et les arches, est faite en très-petit appareil assez semblable à celui qui revêt les tympans de l’étage supérieur de l’aqueduc du Gard. Les massifs sont bien pleins et maçonnés avec soin, le mortier excellent. La pierre provient des carrières de Villeneuve et n’est pas d’une très-bonne qualité. Il est à croire que si ce pont eût été entretenu comme le pont Saint-Esprit bâti peu

  1. Notamment en 1856.