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la construction du pont, met pour condition que les trois tours demeureront en la possession de ses gens.

Bien entendu, entre toutes les villes du royaume, Paris possédait plusieurs ponts dès une époque très-reculée. Du Breul[1] nous a laissé l’histoire de ces ponts modifiés, détruits, refaits bien des fois, soit en bois, soit en pierre. Une des causes de la ruine des ponts de Paris, était ces maisons et ces moulins dont on permettait l’établissement sur les piles et les arches. Les plus anciens de ces ponts étaient le pont au Change et le Petit-Pont, le premier ayant une bastille vers la rue Saint-Denis, appelé le grand Châtelet, l’autre vers la rue Saint-Jacques, appelée le petit Châtelet. Bien que les deux châtelets existassent déjà du temps de Philippe-Auguste, puisque les comtes de Flandre et de Boulogne y furent tenus prisonniers après la bataille de Bouvines, cependant ces deux défenses avaient été rebâties en grande partie, sinon en totalité, à la fin du XIIIe siècle et au commencement du XIVe siècle, après les crues terribles de 1280 et de 1296, qui ruinèrent les deux ponts.

À la suite de ce désastre, le Petit-Pont fut refait en pierre, en 1314, au moyen d’amendes prélevées sur des juifs. Quant au pont au Change, on se contenta de le réédifier en bois. Le pont Notre-Dame, dont quelques historiens font remonter la construction vers le milieu du XIVe siècle, fut refait aux frais de la ville, en 1413. Cette reconstruction, probablement en bois, menaçait ruine en 1440, puisque, le 13 février de cette année, le parlement, par un arrêt, décida que ce pont serait entièrement rétabli. Ce projet ne fut point suivi d’exécution, et en 1498 le pont Notre-Dame s’écroula avec toutes les maisons qui le bordaient. « Ce pont de bois, dit un chroniqueur[2], contenoit dix-huit pas en largeur et estoit soutenu sur dix-sept rangées de pilotis, chacune rangée ayant trente pilliers ; l’espoisseur de chacun de ces pilliers estoit un peu plus d’un pied, et avoient en hauteur quarante-deux pieds. Ceux qui passoient pardessus ce pont, pour ne point voir d’un costé ny de l’autre la rivière, croyoient marcher sur terre ferme, et sembloient estre au milieu d’une rue de marchands, car il y avoit si grand nombre de toutes sortes de marchandises, de marchands et d’ouvriers sur ce pont, et au reste la proportion des maisons estoit tellement juste et égale en beauté, et excellence des ouvrages d’icelle, qu’on pouvoit dire avec vérité que ce pont méritoit avoir le premier lieu entre les plus rares ouvrages de France. »

À la suite du sinistre du 15 octobre 1498, le peuple de Paris accusa ses magistrats d’incurie et de malversation, et ceux-ci furent menés en prison ; après quoi la plupart furent condamnés à des amendes plus ou moins fortes. Il fallut songer à reconstruire le pont Notre-Dame. Les

  1. Le Théâtre des antiquités de Paris, 1612, p. 235 et suiv.
  2. Gaguin, De gestis Francorum. Paris, 1522, in-8, folio 303, verso. C. Malingre, p. 219 des Annales générales de la ville de Paris, 1640, in-folio.