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deux maîtres des œuvres de l’hôtel de ville, Colin de la Chesnaye pour la maçonnerie, et Gautier Hubert pour la charpente, furent chargés de l’entreprise, et on leur adjoignit Jean de Doyac, Didier de Félin, Colin Biart, André de Saint-Martin, ainsi que deux religieux, Jean d’Escullaint et Jean Joconde. Ces deux derniers étaient chargés du contrôle de la pierre de taille. Toutefois et contrairement à l’opinion de Sauval, Colin de la Chesnaye et Jean de Doyac avaient été commis à la superintendance de l’œuvre. « Seize hommes, pris dans les différents quartiers de la ville, travaillaient sous leurs ordres, et comme marque du pouvoir souverain qu’ils exerçaient, Colin de la Chesnaye et Jean de Doyac portaient un bâton blanc[1]. »

Le 28 mars 1499, les premières pierres du pont Notre-Dame furent posées par le gouverneur de Paris et les magistrats municipaux. Les travaux furent terminés au mois de septembre 1512. Deux rangs de maisons régulières d’aspect garnissaient les deux côtés de ce pont, et celles-ci ne furent démolies qu’en 1786.

Beaucoup trop de gens avaient été appelés à participer à la construction du pont Notre-Dame ; il en résulta des changements dans la direction de l’œuvre et des avis différents qui retardèrent l’entreprise. Il faut lire à ce sujet la curieuse notice publiée par M. Le Roux de Lincy, laquelle donne tout au long les avis demandés par les magistrats municipaux à diverses personnes considérées comme compétentes : les unes sont pour les pilotis, les autres les considèrent comme inutiles ; naturellement les charpentiers penchent pour les pilotis, les maçons pour les blocages. Cependant ce pont était fort bon et fort beau, il y a encore quelques années, et il ne semble pas qu’il fût très-nécessaire de le reconstruire[2].

Au moment de la reconstruction du pont Notre-Dame, c’est-à-dire au commencement du XVIe siècle, on prenait cette habitude, si fort en honneur aujourd’hui, de consulter quantité de gens de métier ou d’amateurs officieux en matières de travaux publics ; on accumulait ainsi des avis, des procès-verbaux qui ont certes un grand intérêt pour nous aujourd’hui, mais qui, au total, n’étaient guère profitables à l’œuvre et entraînaient souvent en des dépenses inutiles. En cela l’histoire de la construction du pont Notre-Dame rappelle passablement celle de beaucoup de nos édifices modernes. On faisait évidemment moins de bruit et l’on noircissait moins de papier autour de nos vieux ponts du moyen âge, commencés presque tous avec des ressources infimes et continués sans

  1. Registres de l’hôtel de ville, II 1778, fol. 28, ro. (Voyez les Recherches historiques sur la chute et la reconstruction du pont Notre-Dame à Paris, par M. Le Roux de Lincy, Biblioth. de l’école des chartes, 2e série, t. II, p. 32.)
  2. S’il faut s’en rapporter à une note écrite sur la couverture du livre Rouge du Châtelet de Paris, la dépense du pont Notre-Dame à Paris se serait élevée à 205 380 livres 4 sous 4 deniers tournois. Sauval, contestant ce chiffre, sans d’ailleurs donner ses preuves, prétend que la dépense s’éleva à 1 160 684 livres.