Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/362

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[porte]
— 359 —

rois sortent pour être portez en pompes funèbres à Saint-Denys en France… » La porte Saint-Denis de Paris était bâtie fort en saillie sur les courtines et formait un véritable châtelet, dans lequel on pouvait faire loger un corps de troupes. En 1413, le duc de Bourgogne se présenta devant Paris vers Saint-Denis, dans l’intention, disait-il, de parler au roi ; mais, dit le Journal d’un bourgeois de Paris sous le règne de Charles VI[1], « on lui ferma les portes, et furent murées, comme autreffois avoit esté, avecques ce très grant foison de gens d’armes les gardoient jour et nuyt… »

Et en effet, la plupart de ces portes furent murées plusieurs fois pendant les guerres des Armagnacs et Bourguignons. Ainsi, à cette époque encore, au commencement du XVe siècle, on ne se fiait pas tellement aux fermetures ordinaires des portes de villes qu’on ne se crût obligé de les murer en cas de siège. Il faut dire que ce moyen était particulièrement adopté lorsqu’on craignait quelque trahison de la part des habitants. Alors les portes devenaient des bastilles, des forts, permettant de réunir des postes nombreux sur l’étendue des remparts.

Les portes bâties à Paris sous Charles V se prêtaient parfaitement à ce service, ainsi qu’on peut le reconnaître en examinant la vue cavalière que nous donnons de la porte de Saint-Denis (fig. 34). La grande saillie que présentait cet ouvrage sur les courtines donnait un bon flanquement pour l’époque, et avait permis l’établissement d’une fausse braie, avec petit fossé intérieur entre ces courtines et le large fossé qui était alimenté par des cours d’eau, aujourd’hui en partie perdus sous les constructions modernes de la ville[2].

Cette porte fut restaurée ou plutôt modifiée au XVIe siècle. Les crénelages supérieurs furent remplacés par des parapets destinés à recevoir de l’artillerie. Elle fut démolie sous Louis XIV, pour être remplacée par l’arc triomphal qui existe encore aujourd’hui et qui se reliait à un système de courtines et de bastions non revêtus.

Notre vue cavalière fait voir la petite cour intérieure, qui était nécessairement entourée de meurtrières au premier étage, de façon à couvrir de projectiles les assaillants qui auraient pu forcer le pont-levis. Le premier étage contenait ainsi des salles sur les quatre côtés de la cour, pouvant renfermer une assez nombreuse garnison. Deux escaliers pratiqués dans les tourelles en arrière-corps desservaient ces salles et l’étage supérieur crénelé, couvert en terrasse. Probablement les arcades latérales étaient percées de larges mâchicoulis, et dans leurs murs de fond donnant sur la cour s’ouvraient des meurtrières enfilant l’intervalle entre la fausse braie et la courtine.

En dehors, des barrières et palissades défendaient les approches du ponceau[3], protégé lui-même par un crénelage et deux échauguettes.

  1. Coll. Michaud, t. II, p. 641.
  2. La gravure d’Israël Sylvestre fait voir la place de la fausse braie avec son fossé en arrière.
  3. Voyez Barrière.