Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 7.djvu/396

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[porte]
— 393 —

cement du XIIIe siècle, lors de la construction de la façade actuelle. À ce propos, il est bon de signaler ce fait assez fréquent du réemploi des fragments de portes du XIIe siècle pendant le XIIIe. C’est qu’en effet, le XIIe siècle, dont l’art est si élevé, si puissant, avait su composer des portes d’une grande beauté, soit comme entente des proportions, soit comme détails de sculpture. Les architectes du XIIIe siècle, si hardis novateurs qu’ils fussent, si peu soucieux habituellement des œuvres de leurs devanciers, paraissent avoir été saisis de scrupules lorsqu’il s’agissait de faire disparaître certaines portes élevées pendant le siècle précédent. Ainsi, non-seulement sur la façade occidentale de la cathédrale de Paris, l’architecte replaça habilement le tympan, un linteau, la plus grande partie des voussures et les statues des pieds-droits d’une porte appartenant très-probablement à l’église refaite par Étienne de Garlande, au XIIe siècle ; mais, à la cathédrale de Chartres, nous voyons qu’on replace, sous la façade du XIIIe siècle, les trois portes qui autrefois s’ouvraient en arrière des deux clochers, sous un porche ; qu’à Bourges, l’architecte réemploie des fragments importants, sous les porches nord et sud, des deux portes du transsept de l’église du XIIe siècle ; qu’à la cathédrale de Rouen, on conserve, sur la façade occidentale, au XVIe siècle, deux portes du XIIe.

Ces œuvres d’art avaient donc acquis une célébrité assez bien établie pour qu’on n’osât pas les détruire dans des temps où cependant on ne se faisait aucun scrupule de jeter bas des constructions antérieures, surtout lorsqu’il s’agissait de cathédrales. Plus tard, on peut signaler le même esprit de conservation, le même respect, lorsqu’il s’agit de portes du XIIIe siècle. Quelques-unes de ces œuvres paraissaient assez belles pour qu’on les laissât subsister au milieu de constructions plus récentes. Sous le porche de Saint-Germain l’Auxerrois, à Paris, on voit que les architectes ont conservé une porte du XIIIe siècle, bien qu’ils aient entièrement rebâti la façade au XVe. À Saint-Thibaut (Côte-d’Or), une porte fort belle, du XIIIe siècle, reste enclavée au milieu de constructions du XIVe. À la cathédrale de Sens, les constructeurs qui relèvent la façade au commencement du XIVe siècle, conservent la porte principale datant de la fin du XIIe. À l’abbaye de Saint-Denis, la porte nord du transsept de Suger est laissée au milieu des reconstructions du XIIIe. À Auxerre, des portes datant du milieu du XIIIe siècle restent engagées dans les constructions refaites sur la façade au XVe. Et en effet, jamais les architectes des XIVe et XVe siècles, malgré leur savoir, malgré la profusion de leur ornementation, leur recherche des effets, ne purent atteindre à cette largeur de composition, à cette belle entente de la statuaire mêlée à l’architecture, qui étaient les qualités dominantes des artistes des XIIe et XIIIe siècles. Ils se rendaient justice en conservant ces débris qui, très-probablement, passaient avec raison pour des chefs-d’œuvre.

En nous occupant, avant toute autre, de la porte de l’église abbatiale de Vézelay, nous avons voulu donner un de ces exemples qui servent de point de départ, qui sont une innovation et prennent une influence con-