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et notamment des portes. L’église de Saint-Pierre de Melle (Deux-Sèvres) nous fournit un excellent exemple du progrès obtenu par les derniers architectes romans.

Cette porte (fig. 58) se recommande plutôt par la manière dont elle est composée que par ses dimensions, puisque la baie n’a pas plus de 1m,70 de largeur. Il semble que l’architecte ait voulu rompre avec les traditions admises. D’abord les archivoltes sont en tiers-point et dépourvues de tout ornement. Afin de faciliter le dégagement, les pieds-droits sont en retraite sur les arcs, et portent ceux-ci au moyen d’encorbellements ornés de sculpture. Un cordon sculpté sertit la dernière archivolte. Il n’y a pas ici de tympan sculpté ni de linteau, conformément à l’usage des provinces occidentales, mais au-dessus d’un couronnement très-riche est posée une niche contenant la statue du Christ dans sa gloire, et celles de la sainte Vierge et de saint Jean. Entre les corbeaux qui soutiennent la corniche intermédiaire, dans des sortes de métopes, sont sculptés quelques signes du zodiaque et un porc, qui, suivant un usage assez fréquent au XIIe siècle, représente un mois de l’année, celui pendant lequel on tue cet animal domestique. Il n’est pas nécessaire de faire ressortir la belle entente de cette composition, que notre gravure permet d’apprécier. La façon dont la sculpture est disposée, les divisions des parties principales, le contraste heureusement trouvé entre les surfaces lisses et les surfaces décorées, font assez connaître que l’architecte de cette œuvre entendait son art. La sculpture est, d’ailleurs, très-délicate et exécutée avec un soin minutieux. C’était la dernière expression de l’art roman des provinces de l’Ouest, qui devait s’éteindre, quelques années plus tard, sous l’influence de l’art de l’école laïque de l’Île-de-France.

Nous avons vu déjà, par l’exemple tiré de l’église de Notre-Dame du Port, à Clermont, que les portes étaient décorées, dans certaines provinces, au moyen de bas-reliefs accessoires qui étaient comme plaqués à côté ou au-dessus des archivoltes. Peut-être cet usage n’était-il qu’une tradition fort ancienne. Lorsque, pendant la période carlovingienne primitive, l’art de la statuaire était complétement perdu, on recueillait parfois des bas-reliefs provenant de monuments antiques gallo-romains, et on les incrustait dans les nouvelles constructions, notamment au-dessus des portes, comme étant la partie de l’édifice que l’on tenait à décorer. Plus tard, les artistes romans conservèrent cette disposition en incrustant des bas-reliefs neufs, comme on l’avait fait pour les fragments antiques. C’est, en effet, dans les provinces où les restes gallo-romains étaient abondants, que l’on voit ce système d’ornementation persister jusque pendant le XIIe siècle. La grande porte méridionale de l’église de Saint-Sernin, à Toulouse, nous fournit un exemple très-remarquable de ce genre de décoration (fig. 59). Cette porte, parfaitement conservée jusqu’à la corniche[1], se compose de trois rangs d’archivoltes entourant

  1. Le couronnement tracé sur notre figure est une restauration.