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[porte]
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sentent une disposition particulière. Nous indiquons ailleurs[1] comment les escaliers des habitations pendant le moyen âge étaient presque toujours construits en vis. Ce parti pris nécessitait l’ouverture de portes assez basses, puisqu’il fallait que le linteau de ces portes masquât la première révolution du degré. Mais alors ce linteau était considéré souvent comme une imposte surmontée d’une fenêtre éclairant la deuxième révolution. Nous trouvons encore dans l’hôtel de Jacques Cœur, à Bourges, un exemple, complet de ces sortes de portes (fig. 88). Le linteau, formant imposte, présente une sculpture intéressante. Trois arbres se détachent sur un fond. Celui du milieu représente un oranger, celui de droite un dattier, et celui de gauche une sorte de mimosa. Entre ces arbres croissent des plantes exotiques, parmi lesquelles est un œillet. On sait que Jacques Cœur fit plusieurs voyages en Orient, et qu’il entretenait avec ces contrées un commerce étendu. Ces plantes semblent être des emblèmes de ces relations, et peut-être est-ce à l’illustre argentier que nous devons l’introduction en France de quelques-unes de nos plantes médicinales et de jardin. Autour de ce bas-relief, on lit la devise, plusieurs fois répétée dans l’hôtel : Oïr, — dire, — faire, — taire, dont les lettres sont séparées par des branches de plantes.

La première révolution de l’escalier passe derrière ce linteau et est éclairée par la fenêtre d’imposte[2].

Les portes intérieures des palais et maisons, c’est-à-dire celles qui s’ouvrent d’une pièce sur une autre, sont habituellement très-simples, basses et étroites avant la fin du XVe siècle. Ce ne sont que des ouvertures permettant à une seule personne de passer à la fois. Ces portes étaient en outre garnies de portières. Dans aucune habitation du moyen âge, fût-elle princière, on ne trouverait de ces portes d’appartements ayant 3 ou 4 mètres de hauteur, comme dans nos hôtels modernes, par cette raison bien naturelle, que si nobles qu’elles fussent, les personnes passant par ces portes n’avaient pas une taille qui atteignit six pieds. Si ces portes parfois sont larges, pour permettre une circulation facile, elles ne dépassent pas 2m,50 sous linteau.

C’est sous le règne de Louis XIV qu’on a commencé seulement à percer des portes d’appartements ayant une plus grande élévation : on considérait cela comme plus noble alors, sinon plus sensé.

Les portes intérieures des habitations du moyen âge sont très-simples, parce qu’elles s’ouvraient derrière des tapisseries, et qu’on n’en apercevait qu’à peine les jambages et les linteaux. Leurs vantaux seuls étaient travaillés avec recherche. Les linteaux sont, ou rectilignes, ou en portion d’arc de cercle, ou en cintre surbaissé. On voit déjà, dans des bâtiments du commencement du XIVe siècle, apparaître ces linteaux tracés au moyen de trois centres ; mais c’est surtout vers la fin du XVe siècle

  1. Voyez Château, Escalier, Maison.
  2. Voyez Notices sur les monuments du Berry, par M. Hazé, 1834.