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conserve tous les membres de l’entablement, bien que cet entablement n’ait plus de raison d’être, entre le chapiteau d’une colonne, par exemple, et un arc ou une voûte.

Lorsque le génie du Grec se trouve en possession de l’architecture et n’a plus à se soumettre au régime romain, il ne repousse pas les éléments de structure admis par ses anciens maîtres ; il s’en sert au contraire, il conserve l’arc et la voûte, mais son esprit logique le porte à modifier l’entablement de l’ordre, en raison des nouvelles fonctions auxquelles il doit satisfaire. Bien mieux, s’il adopte l’arc sur la colonne, il supprime totalement l’entablement, et comme dans les édifices romano-grecs de Syrie, le Grec renonce souvent à poser la plate-bande sur la colonne, il sépare dorénavant ces deux membres unis jusqu’alors ; les séparant, il fait de l’entablement nouveau une contraction de l’entablement antique. Personne n’ignore que l’entablement grec, et par suite l’entablement romain, posé sur un ordre, se compose de l’architrave, autrement dit du linteau, portant d’une colonne à l’autre, de la frise qui gagne l’épaisseur destinée à recevoir le plafond intérieur, et de la corniche saillante qui abrite le tout. À cette règle il n’y a guère d’exceptions jusqu’à la fin de l’empire, en tant que l’entablement est une partie de l’ordre. Les Romains, mauvais logiciens en fait d’art, posaient des entablements complets au couronnement d’un édifice, quand même il n’y avait pas au-dessous une ordonnance de colonnes ou de pilastres. Cependant si ces trois membres étaient parfaitement justifiés lorsqu’il s’agissait de franchir un entre-colonnement, ils n’avaient nulle raison d’être, la colonne étant absente ; alors la corniche seule devait suffire. Les Grecs de Syrie raisonnèrent ainsi. Au sommet de leurs monuments, dans lesquels désormais la colonne n’a plus guère pour fonctions que de porter des arcs ou des linteaux de galeries, l’entablement antique se contracte. La frise[1] (fig. 7) n’est plus indiquée que par le gros tore a, elle se confond avec l’architrave A, et la corniche B seule persiste entière. L’architrave elle-même perd presque entièrement ses plans verticaux. Ainsi une nouvelle méthode de profiler un entablement se manifeste. N’étant plus associé à l’ordre, il tend à se soustraire aux règles imposées par la structure de l’ordre. Dans des monuments de petite dimension, comme des tombeaux, l’entablement abandonne toute tradition, il est tracé suivant une méthode nouvelle et rationnelle (fig. 8). Le larmier, indépendant des moulures inférieures, est taillé en biseau ; c’est un abri, l’égout d’un comble, et la moulure qui le porte n’est qu’un encorbellement destiné à maintenir la bascule de l’assise saillante. Ces profils, qui proviennent des monuments du Ve siècle, relevés par M. le comte de Vogué et M. Duthoit, entre Antioche et Alep, vont nous fournir des points de départ pour nos profils romans du XIIe siècle. En effet (fig. 9), plaçant en parallèle quelques-uns de ces profils de l’architecture romano-grecque

  1. Du grand tombeau de Kebet-Hass.