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même la nôtre, ont produit des œuvres barbares ; ce n’est pas sur celles-là qu’il faut juger un art, ni à plus forte raison l’étudier. Cette étude, faite avec les yeux du critique, nous démontre encore que dans cet art, si longtemps et injustement dédaigné, il existe des lois aussi bien établies que dans les arts de l’architecture grecque et romaine ; que ces lois s’appuient sur des principes non moins impérieux : car, s’il en était autrement, comment expliquer certaines similitudes ; ou des dissemblances ne s’écartant jamais du principe dominant ?

Voici maintenant des profils d’arcs des voûtes du tour du chœur de la cathédrale d’Amiens, qui date de 1240 environ (fig. 18). A est le profil des arcs-doubleaux, B celui des arcs ogives, au dixième de l’exécution. À dater de cette époque, les méthodes employées pour tracer les profils sont de plus en plus soumises à des lois géométriques et à des mesures régulières. Ainsi, dans le profil A d’arc-doubleau, le boudin inférieur a 0m,215 de diamètre (8 pouces). Du centre de ce boudin, tirant une ligne à 45º ab, la rencontre de cette ligne avec la verticale cb donne en b l’arête du cavet supérieur. Le boudin est engagé au douzième de son diamètre par l’horizontale ef. La ligne gh à 45º, tangente au boudin inférieur, est également tangente au boudin supérieur l, dont le diamètre a 0m,108 (4 pouces). Ce boudin est également tangent à la verticale cb prolongée. Le rayon du cavet supérieur est égal au rayon du boudin l, son centre étant en i. Le centre m du cavet inférieur est placé à la rencontre de la ligne ef avec une verticale tangente au boudin supérieur, et le rayon de ce cavet est de 2 pouces-1/2. Le listel bc a 0m,162 (6 pouces). Le filet saillant p se marie avec le gros boudin au moyen de deux contre-courbes dont les centres sont placés en r. On conçoit combien ces méthodes de tracés facilitaient l’épannelage. La verticale co a un pied juste. Cette base prise et la ligne og étant tirée à 45º, on inscrivait ainsi tous les membres du profil dans un épannelage très-simple. Quant au profil B de l’arc ogive, sa largeur est d’un pied. La face st a 10 pouces, et la ligne w est tirée à 45º. Le diamètre du boudin inférieur de ce profil a 5 pouces 1/2. Du point x, élevant une ligne xy à 60º, on obtient le point y, arête du cavet supérieur. Le boudin supérieur a 2 pouces 1/2 de diamètre. Il est facile de reconnaître que ces tracés sont faits en vue de donner aux profils l’aspect léger qui convient à des arcs de voûtes, en laissant à la pierre le plus de résistance possible. L’arête inférieure ménagée dans l’axe, sous les gros boudins, dessine nettement la courbe, ce que ne pouvait faire un cylindre, car les architectes, dès le commencement du XIIIe siècle, ainsi que nous l’avons vu dans les exemples précédents, avaient senti la nécessité, lorsqu’ils terminaient l’arc par un boudin, d’arrêter la lumière (diffuse dans un intérieur) sur ce boudin par un nerf saillant, d’abord composé de deux lignes droites, puis bientôt de courbes avec filet plat. En effet, pour qui a observé les effets de la lumière sur des cylindres courbés, sans nerfs, il se fait un passage de demi-teintes, de clairs et d’ombres formant une spirale très-allongée,