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tracé, comme le montre notre figure, au moyen de deux centres aa′. Pour dissimuler la rencontre obtuse des deux cercles, il fait saillir le filet b. Du point a', élevant une ligne a′c à 45º, il pose sur cette ligne le centre c du second boudin. Du centre c, tirant une ligne cd à 30º, et du point e fixé, abaissant une ligne ed à 60º, il obtient le point d, centre du cavet supérieur. Du même centre c, abaissant une ligne cf à 60º, il obtient le filet g, et sur cette ligne le centre f du cavet inférieur, dont la courbe vient mordre celle du gros boudin. Il rachète l’angle h par un arc de cercle dont le centre est posé en i. Ce profil prend un galbe trapu qui n’appartient pas à l’architecture de l’Île-de-France, mais il est d’ailleurs étudié avec soin, et prend, en exécution, un aspect résistant et ferme. Grâce au filet b qui détruit la jonction des deux cercles aa′, ces deux courbes ne paraissent être qu’une portion de cercle ; mais pour ne pas trop développer à l’œil ce membre important, le cavet inférieur l’entame et lui enlève sa lourdeur. Le traceur a ainsi obtenu plus de force, sans donner à son profil un aspect moins léger.

Mais tous les traceurs ne procèdent pas avec cette finesse. En Normandie et dans le Maine, les profils, tout en étant tracés suivant les méthodes que nous venons d’indiquer, accusent une tendance vers l’exagération des effets et un défaut dans les rapports de proportion. Un artiste du Maine tracerait ce profil d’arc ainsi qu’il est indiqué en B. Il accuserait l’intersection k ; il donnerait une courbe au filet l ; il exagérerait la saillie du filet inférieur m, ou bien, comme l’indique le profil C, il flanquerait le gros boudin inférieur d’une baguette n, ou même d’un filet latéral o, et retrouverait des arrêts, des listels et des angles en pq, en diminuant le rayon du second boudin. Cette tendance à l’exagération des cavets, à la multiplicité des membres anguleux, se développe surtout en Angleterre dès le milieu du XIIIe siècle. Les profils de cette contrée et de cette époque se chargent d’une quantité de tores, de listels, d’évidements profonds ; mais les méthodes de tracés ne varient guère : ce qui prouve qu’une méthode en architecture est un moyen qui permet à chacun, d’ailleurs, de suivre son goût et son sentiment. Supprimez la méthode dans le tracé des profils de l’architecture dite gothique, et l’on tombe dans un chaos d’incertitudes et de tâtonnements. La fantaisie est maîtresse, et la fantaisie dans un art qui doit tant emprunter à la géométrie ne peut produire que des formes sans nom. N’est-ce pas la méthode qui donne aux profils de l’architecture, à dater du XIIe siècle, en France, une physionomie si saisissante, un style si particulier, qu’on ne saurait prendre un tracé de 1200 pour un tracé de 1220, qu’on ne pourrait confondre une moulure bourguignonne avec une moulure champenoise ? Supposons qu’une méthode géométrique n’existe pas, comment tracer un de ces profils, à quel point s’attacher, où commencer, où finir ? Comment donner à tous ces membres un rapport, une harmonie ? Comment les souder entre eux ? et que de temps perdu à tâter le mieux dans le vague ! Nous avons vu souvent de nos confrères chercher des tracés de profils