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[sculpture]
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mouvement très-juste ; des lutteurs, une femme ayant un genou en terre, etc. Nous le répétons, ces méthodes ne pouvaient qu’empêcher des écarts ; elles n’étaient point une entrave pour le génie, qui savait bien, ou s’en affranchir, ou en trouver de nouvelles. C’était un moyen de conserver le style monumental dans la composition des sculptures, d’obtenir la clarté dans l’exécution, deux qualités passablement négligées depuis le XVIe siècle.

Les statuaires du moyen âge exécutaient-ils les figures innombrables qui garnissent leurs monuments, sur modèles ? Nous ne le pensons pas. D’abord ils n’en avaient certainement pas le temps, puis l’entrain de l’exécution et certaines irrégularités que l’on observe dans cette statuaire excluent la présence du modèle en terre. Peut-être faisaient-ils des maquettes à une petite échelle ? Mais nous serions portés à croire qu’ils traçaient les lignes générales de leurs statues sur des panneaux, l’un pour l’aspect de face, l’autre pour l’aspect de profil, et qu’à l’aide de ces deux sections, ils dégrossissaient la pierre en cherchant les détails sur la nature même. On voit dans beaucoup de statues du XIIIe siècle, à côté d’une partie de figure traitée avec amour, un morceau très-négligé ; cela n’arrive point quand des artistes exécutent sur des modèles : alors le travail est égal, uniforme et souvent amolli par la traduction en pierre d’un modèle fait avec de la terre ou de la cire.

Les monuments nous prouvent que les sculpteurs égyptiens, lorsqu’ils faisaient des bas-reliefs modelés en creux, commençaient par dessiner simplement leurs figures sur le parement, qu’ils en creusaient la silhouette et qu’ils cherchaient le modelé en pleine pierre ; et cependant ce modelé arrive à des délicatesses merveilleuses. Bien que nous sachions que les artistes grecs, surtout après Phidias, faisaient des modèles en cire ou en matières molles, il n’est pas prouvé que les sculpteurs antérieurs à Phidias procédassent ainsi lorsqu’ils avaient à faire des statues de bois, de pierre ou de marbre ; le géométral, toujours observé dans la statuaire éginétique, ferait supposer au contraire que ces artistes primitifs se contentaient du dessin pour procéder à l’exécution définitive.

Déjà, vers la fin du XIIIe siècle, on commence à sentir en France l’influence souveraine de cette divinité qu’on appelle la Mode, divinité aussi cruelle pour la veille qu’elle est indulgente pour le moment présent. C’est alors qu’on voit tous les artistes, au même moment, adopter dans la statuaire, non-seulement les vêtements du jour, mais certains caractères physiques qui sont regardés comme se rapprochant de la perfection. On ne saurait se dissimuler que l’empire de la mode est tel, qu’il influe jusqu’à un certain point sur le physique. Les traits, le port, jusqu’aux formes du corps, s’arrangent pour sortir d’un moule commun, admis comme étant la suprême élégance. Cela n’est pas né d’hier ; les Grecs eux-mêmes sacrifièrent à cette déesse changeante.

Les statuaires du moyen âge s’interdisaient habituellement la reproduction du nu. Leurs figures étaient drapées, sauf de rares exceptions ;