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et de ses conseillers clercs. L’un d’eux, dom Foucault, parle ainsi : « Pour avoir raison de la ville de Toulouse et en exterminer les habitants, il nous faut faire tels efforts qu’après nous, il en soit parlé de par le monde. Élevons une nouvelle ville, avec des maisons et des défenses. De cette nouvelle ville nous serons les habitants ; il y viendra une nouvelle population. Ce sera une Toulouse nouvelle, une nouvelle seigneurie, et jamais si noble résolution n’aura été prise, car entre cette ville et l’ancienne ce sera une lutte incessante, acharnée, jusqu’à ce qu’enfin l’une détruise l’autre. Et celle des deux qui restera sera la maîtresse du pays. Mais jusque-là ce sera nous qui gagnerons à ce parti, car de tous côtés il nous arrivera des hommes et des femmes, des provisions de toutes sortes… Songeons qu’il nous faut assiéger longuement cette ville pour la détruire. Jamais vous ne l’aurez de la force, car jamais ville ne fut mieux défendue. Dévastons les environs ; qu’il n’y reste ni un épi ni un brin de bois, ni un grain de sel, ainsi réduirez-vous ces gens. — Seigneur, fit le comte, votre conseil est bon. — Pas si bon, reprend l’évêque, car si ceux de la ville possèdent la Garonne et sa rive opposée, il leur viendra de Gascogne de tels secours que notre vie durant, ils ne manqueront de rien. — De par Dieu, seigneur évêque, dit le comte, nous irons moi et plusieurs barons de l’autre bord, mon fils et mon frère garderont celui-ci. » Ainsi fut prise la résolution d’investir complétement la place. L’évêque, le légat, le prieur et l’abbé s’en allèrent prêcher la croisade et recruter des troupes.

De tous côtés on travaille dans la ville à renforcer les défenses ; dans le camp des assiégeants, à élever la nouvelle ville : on l’entoure de fossés et d’ouvrages de terre palissadés, avec créneaux, portes et guettes. On la divise par quartiers. On trace des rues et l’on y fait aboutir des routes bien ferrées pour faciliter les arrivages. Le château Narbonnais en devient la citadelle. Cependant le comte de Montfort, à la tête de la moitié de ses forces, passe la Garonne en amont, à gué. Il s’établit sur la rive gauche. Sans lui laisser de repos, les assiégés se précipitent sur le pont, remplissent les barbacanes qui en forment la tête, et harcèlent les troupes du comte jour et nuit. À Toulouse, viennent encore s’enfermer de nouveaux seigneurs avec leurs compagnies bien armées, le comte de Foix, don Dalmace, des Aragonais, des Catalans. Encouragés par l’arrivée de ces renforts, les gens de Toulouse font une sortie, et contraignent le comte de Montfort à repasser le fleuve et à se concentrer derechef autour du château Narbonnais dans un grand camp retranché. Bientôt l’armée des Français est plus occupée à se défendre qu’à attaquer. Les assiégés font des tranchées en dehors de leurs remparts, des escarpes munies de palissades ; ils dressent des bretêches bien flanquées, afin que les archers et frondeurs puissent faire bonne retraite, s’ils sont repoussés. Ils élèvent derrière les palissades, des pierrières, des calabres, des trébuchets, qui battent sans cesse le château Narbonais. Sur les murs,