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le service de la milice féodale étant limité. Il fallait donc à ce chef un trésor, et il ne pouvait se le procurer que par la guerre.

En second lieu, ce poëme indique clairement la constitution d’une des municipalités du Midi à la fin du XIIe siècle et au commencement du XIIIe. Tout se fait dans la ville par les capitouls : l’organisation de la défense, les approvisionnements, la solde et la nourriture des troupes concernent les magistrats municipaux. Le comte Raymond, les nobles qui viennent à son aide, n’ont qu’à se battre ; les résolutions sont prises de concert avec les autorités municipales, et les avis du comte n’ont de valeur qu’autant qu’ils sont ratifiés par ce parlement.

Quand le fils du roi de France vint plus tard pour assiéger Toulouse de nouveau, à la tête de troupes fraîches, ce n’est qu’après une délibération commune dans laquelle le comte donne son avis, que le parti de la résistance est adopté. Alors les consuls répondent des approvisionnements, de la nourriture des troupes et de la mise en état des défenses.

« Ils ordonnent[1] que les meilleurs charpentiers aient à dresser dans toute la ville, aux divers postes, les machines, les calabres et les pierrières, et que Bernard Paraire et maître Garnier s’en aillent tendre les trébuchets, car c’est là leur office. Ils désignent dans tous les quartiers des commissaires, chevaliers, bourgeois ou les plus riches marchands, pour faire fortifier les portes et commander aux ouvriers. Et tous se mettent à l’œuvre, le menu peuple, les damoiseaux, les demoiselles, les dames et les femmes, les jeunes garçons, les jeunes filles et les petits enfants, qui, chantant leurs ballades et leurs chansons, travaillent aux clôtures, aux fossés, aux retranchements de terre, aux ponts, aux barrières, aux murs, aux escaliers, aux montées, aux chemins de ronde, aux poternes et aux salles, aux lices, aux meurtrières, aux flanquements, aux réduits et échauguettes, aux guichets de communication, aux tranchées, voûtes et caponnières. Ils ont confié le commandement de toutes les barbacanes, celles de la Grève comprises, aux comtes et aux plus nobles chefs. La ville est ainsi mise en défense et doublement fortifiée. »

Nous n’avons pas ici à faire l’histoire de ces malheureuses provinces du Languedoc pendant la première moitié du XIIIe siècle. Écrasées sous la cruelle coalition des armées du Nord, livrées à l’inquisition, aux rancunes du clergé catholique, ces municipalités, si florissantes au XIIe siècle, se relevaient pour retomber plus lourdement. En 1240, le jeune vicomte Raymond de Trincavel, dernier des vicomtes de Béziers, et remis en 1209 entre les mains du comte de Foix (il était alors âgé de deux ans), se présente tout à coup dans les diocèses de Narbonne et de Carcassonne avec des troupes de Catalogne et d’Aragon, s’empare des châteaux de Montréal, des villes de Montolieu, de Saissac, de Limoux, d’Azillan, de Laurens, et vient mettre le siège devant Carcassonne.

  1. Voyez les vers 9 421 et suiv.