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brèche et y accumulent des troncs de chênes, des chevrons, des madriers, si bien que la place ne tombe pas au pouvoir des Français. Nous voyons toujours les assiégeants établir devant les places ces bastillons, ces châteaux terrassés, revêtus de palis ou de clayonnages, pour dresser leurs batteries d’engins. C’est l’agger des Romains. Au siège de Toulouse, le château Narbonnais (terrassé en partie par Simon de Montfort) en tient lieu. Parfois même ces bastillons deviennent de véritables lignes avec leurs courtines et leurs flanquements, le tout terrassé. C’est de là que partent les tranchées qui aboutissent au fossé et permettent de faire avancer les chats. Ces chats, dont nous avons parlé ailleurs déjà[1], étaient montés hors de la portée des engins des assiégés, amenés sur des galets ou rouleaux jusqu’au bord du fossé, puis poussés sur des remblais jusqu’au pied des remparts. Ainsi les assiégeants avaient-ils une galerie bien couverte par de forts madriers garnis de lames de fer, de peaux fraîches ou de terre mouillée, qui permettait aux mineurs de s’attacher au pied des murs, et plus tard, quand les mines étaient prêtes, aux hommes d’armes de se précipiter dans la place. Ces chats, comme nous l’avons dit plus haut, se composaient parfois de deux et même de trois travées rentrant les unes dans les autres, comme l’indique la figure 6, en A. Ainsi, après avoir fait une tranchée en pente dans la contrescarpe du fossé (voyez l’ensemble B, de a en b), après avoir fait de la terre de cette tranchée un agger à droite et à gauche en C, on faisait approcher le chat A avec sa travée de doublure D, celle-ci posée sur des galets comme le corps principal ; puis, par l’orifice antérieur, on apportait peu à peu des remblais dans le fossé, on faisait rouler la galerie intérieure au fur et à mesure de l’avancement du remblai, et ainsi jusqu’à ce que l’orifice antérieur de la galerie intérieure eût touché le pied du rempart ou le roc. Pendant ce temps, du terre-plein des bastillons extérieurs, les assiégeants faisaient pleuvoir sans trêve une grêle de grosses pierres sur le point attaqué ; les hourds H étaient mis en pièces, et les archers et arbalétriers couvraient les crénelages de projectiles. La rapidité avec laquelle, à l’aide des mangonneaux, on détruisait les hourds, la facilité que l’on avait à les incendier, firent adopter les mâchicoulis de pierre avec crénelages également de maçonnerie. Ce système de défense paraît avoir été d’abord adopté en Orient, car on en voit sur des défenses chrétiennes de Syrie qui datent de la fin du XIIe siècle, c’est-à-dire un siècle environ avant leur emploi en Occident. Mais il ne faut pas oublier que les Orientaux possédaient des engins supérieurs aux nôtres, et que l’efficacité de leur tir dut faire adopter promptement, par les Occidentaux établis en Syrie, les chemins de ronde avec gardes de pierre. En adoptant les mâchicoulis avec crénelages de pierre couverts, pour résister plus efficacement aux machines de jet, on renonçait aux meurtrières percées à la base des remparts, et au contraire on tenait à donner à ces soubasse-

  1. Voyez Architecture Militaire (le musculus des Romains).