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pour percer la muraille : ils parviennent à en faire tomber trois toises ; mais aussitôt les gens du château apportent de gros troncs d’arbres, élèvent un hourdage en dedans du mur écroulé, etc.

Il est nécessaire peut-être de présenter avec plus de précision ces dernières opérations d’un siège régulier au XIIIe siècle. Réunissant donc les divers documents écrits que l’on possède, les figurés épars dans les manuscrits ou bas-reliefs, et surtout les restes, soit des forteresses attaquées, sur les points d’attaque, soit des ouvrages élevés par des assaillants, on peut prendre une idée assez exacte des travaux considérables que nécessitait la prise d’une place forte bien défendue.

Dans les fortifications du XIIIe siècle, les tours sont espacées entre elles de 50 mètres au plus, c’est-à-dire de la portée droite d’un carreau d’arbalète. Les fossés ont de 10 à 15 mètres de largeur, s’ils sont remplis d’eau, quelquefois plus, s’ils sont secs. La hauteur des courtines, du sol du crénelage au niveau de la crête de la contrescarpe, varie de 8 à 12 mètres. Les tours dominent toujours les courtines. Il arrive que les courtines atteignent une hauteur plus considérable, mais cela est rare[1].

Quand on attaquait une enceinte bâtie dans de bonnes conditions, bien flanquée, munie de hourds, garantie par des fossés, on choisissait un saillant, ainsi que cela se pratique encore aujourd’hui ; mais le point de l’attaque, celui où l’on voulait faire brèche et livrer l’assaut, était rarement une tour. Les tours étaient fermées à la gorge ; les mineurs qui parvenaient à y pénétrer s’y trouvaient entourés, et devaient percer l’autre partie du cylindre pour s’introduire dans la ville. On dirigeait donc l’attaque perpendiculairement à une courtine entre deux tours. Il fallait alors détruire les flanquements de cette courtine, c’est-à-dire les défenses des tours à droite et à gauche.

Les barbacanes et les lices prises, la garnison enfermée dans la défense principale, la place investie, on cheminait par des tranchées jusqu’à la contrescarpe du fossé. Comme les tours avaient des commandements considérables, il fallait défiler les tranchées par des épaulements et des palissades ou des mantelets, d’autant plus élevés, qu’on approchait davantage de la contrescarpe. Ces tranchées ayant atteint le bord du fossé en face du point d’attaque, on apportait des fascines, des clayonnages, et l’on se faisait une première couverture à l’aide de ces matériaux contre les projectiles des assiégés ; on plaçait là deux pierrières qui, bien que dominées, envoyaient des blocs de pierre sur les hourds ou par-dessus les murailles, occupaient les assiégés, et pouvaient détruire leurs engins disposés derrière les chemins de ronde, soit sur le sol de la place, s’il était élevé au-dessus du sol extérieur, soit sur des plates-formes de

  1. Il n’est question ici que des enceintes. Dans les châteaux, les courtines auxquelles étaient adossés des bâtiments étaient parfois beaucoup plus élevées ; mais les défenses des châteaux sont plus variées que celles des enceintes de villes.