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bienfaire, ilz délaient si longuement à partir bien enuis, et s’avancent si tost de retourner voulentiers, que à peine se puet riens bien commencer ; mais à plus grant peine entretenir ne parfaire. Encore y a pis que cette négligence. Car avec la petite voulenté de plusieurs se treuve souvent un si grant arrogance, que ceulx qui ne sçauroient rien conduire pas eulx, ne vouldroient armes porter soubz autruy ; et tiennent à deshonneur estre subgectz à celuy, soubz qui leur puet venir la renommée d’honneur, que par eulx ilz ne vauldroyent de acquérir… »

Ce triste tableau n’est point chargé, mais ce n’est qu’un côté de l’histoire de ces temps de misères. Derrière cette noblesse nonchalante, égoïste, et qui ne savait plus porter les armes que dans les tournois, le peuple des villes commençait à reprendre une prépondérance marquée. Il ne lui manquait qu’un chef, qu’un drapeau autour duquel il pût se grouper. Jeanne d’Arc fut un instant comme le souffle incarné de ces populations à bout de patience et prétendant reprendre en main leurs affaires si tristement conduites par la féodalité. Autour d’elle l’idée de patrie, de nationalité s’élève, et fournit bientôt un appui solide à la royauté. Le siège d’Orléans de 1428 marque le commencement de cette ère nouvelle, et ce fait militaire clôt, pour ainsi dire, la succession des entreprises guerrières de la féodalité.

Ce fut le 12 octobre que l’armée anglaise se présenta devant Orléans par la Sologne. Le sire de Gaucourt était gouverneur de la ville. Quelques chevaliers s’y enfermèrent à la première nouvelle du danger qui la menaçait : c’étaient le seigneur de Villars, capitaine de Montargis ; Mathias, Aragonais ; les seigneurs de Guitry et de Coarraze, Xaintrailles et Poton son frère ; Pierre de la Chapelle, de la Beauce, etc. Le bâtard d’Orléans, Dunois, arriva le 25 octobre : avec lui, le seigneur de Sainte-Sévère, le seigneur de Breuil ; messire Jacques de Chabannes, sénéchal du Bourbonnais ; le seigneur de Caumont-sur-Loire ; un chevalier lombard, Théaulde de Valpergue ; un capitaine gascon, Étienne de Vignole, dit la Hire. L’importance de la place eût dû appeler un bien plus grand nombre de chevaliers, mais beaucoup préféraient rester à la cour du dauphin, réfugié au château de Loches, et qui semblait attendre là ce que le sort déciderait de sa couronne.

Les habitants d’Orléans étaient déterminés à se défendre. Les procureurs de la ville proposèrent aux bourgeois une taxe extraordinaire ; beaucoup donnèrent plus que leur taxe. Le chapitre de la cathédrale contribua pour 200 écus d’or[1]. Mais un fait plus remarquable indique les tendances des villes de France à cette époque funeste. Orléans, passant pour être la clef des provinces méridionales, beaucoup de municipalités y envoyèrent des secours en argent et en nature : Poitiers, la Rochelle, firent don de sommes considérables[2] ; Albi, Montpellier, des

  1. Symphorien Guyon, t. II, p. 188.
  2. Comptes de la commune. Poitiers, 900 livres tournois ; la Rochelle, 500 livres tournois.