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clergé de France, qui virent dans cette étrange fille comme l’âme du peuple se soulevant enfin, en face des trafics odieux qui ruinaient le pays et perdaient le royaume.

La guerre civile à l’état permanent avait d’ailleurs mis les armes entre les mains de tous. Les paysans pillés, les manants sans ouvrage et sans pain, à leur tour endossèrent la brigantine, et coururent la campagne et les bourgades, mettant à leur tête quelque noble ruiné comme eux ou quelque capitaine de soudards. Ces compagnies désolèrent tout le nord et l’est de la France, sous le nom d'écorcheurs, pendant la plus grande partie du règne de Charles VII, et formèrent le premier noyau des troupes à la solde du roi. Lorsqu’en 1444, le 1er juin, une trêve de deux ans fut conclue entre le roi français et Henri VI, il eût fallu ou licencier ces troupes, ce qui eût été une nouvelle plaie pour le royaume, ou les payer pour ne rien faire, ce que l’état des finances du roi ne permettait pas. Pour les occuper fructueusement, le siège de Metz, ville libre, fut résolu sous le prétexte le plus futile. Mais les Messins, qui possédaient une organisation toute républicaine, se défendirent si bien, qu’après six mois de blocus, car la ville ne put être attaquée de vive force, la paix fut conclue moyennant finances. C’est tout ce que demandait Charles VII[1].

Voici quelle était l’organisation à la fois civile et militaire de la ville de Metz :

Un président de la république messine ou maître échevin, nommé le 21 mars de chaque année par le primicier de la cathédrale, les abbés de Gorze, de Saint-Vincent, de Saint-Arnould, de Saint-Clément et de Saint-Symphorien. Le maître échevin avait en mains le pouvoir exécutif ; mais, sorte de doge, son pouvoir était contrôlé par le conseil des Treize, qui étaient spécialement chargés des fonctions judiciaires. Il y avait aussi le trésorier de la cité, élu chaque année le jour de la Chandeleur. Les affaires militaires étaient sous la direction de sept élus. Sept autres habitants avaient la surveillance des fortifications, des portes et des ponts. La perception des impôts, les questions de finances et l’édilité étaient sous la main de vingt et un magistrats, sept pour chaque objet. On comptait vingt amans, véritables notaires.

Mais cette république messine n’était nullement démocratique ; elle avait, comme celle de Venise, son patriciat qui se composait de six associations de familles privilégiées, désignées sous le nom de paraiges[2], et

  1. Voyez le Siège de Metz en 1444, par MM. de Saulcy et Huguenin aîné. Metz, 1835.
  2. Nous trouvons une organisation semblable à Toulouse au XIIIe siècle (Croisade contre les Albigeois, vers 5 733 et suiv. :

    « Si vos cobralz Toloza per so que la tengatz
    Totz paratges restaura e reman coloratz.
    ..................
    Etotz pretz e paratges pot esser restauratz,
    Que he la defendrian si vos sol i anatz. »