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tiens, par exemple. Pendant la période la plus élevée du moyen âge, tous les hommes versés dans l’étude des mystères de la religion donnaient aux saintes Écritures quatre sens différents : selon eux, elles peuvent être interprétées dans le sens historique, allégorique, tropologique et anagogigue[1]. D’après ce principe, par la méditation, tout homme peut, des faits matériels, arriver à l’enseignement moral, d’où il découle (en considérant les choses de ce monde mues par une volonté divine) que tout fait ne se produit que pour une fin morale, est le symbole visible d’un phénomène intellectuel, d’une intervention divine, d’une puissance morale. Du moment qu’après les Pères on admettait que des faits historiques, tels que ceux contenus dans l’Ancien Testament, ou que le Cantique des cantiques, par exemple, ne s’étaient produits qu’en prévision de la venue du Christ et de l’établissement de son Église ; que les saintes Écritures annonçaient ou signifiaient sous un voile historique, et les événements de la vie de Jésus, sa mort, sa résurrection, la rédemption, et tous les événements de la première communion chrétienne, il y avait autant de motifs d’admettre que toute chose créée ne l’avait été que pour annoncer ou signifier ces grands événements. Il n’y avait pas plus d’efforts, pour l’esprit des croyants, à trouver dans le Cantique des cantiques une peinture prophétique et symbolique de l’Église, que de voir dans le hibou[2] un symbole du Christ. Ne lit-on pas dans les saintes Écritures : « Factus sum sicut nycticorax in domicilio[3] » ? Chez les Athéniens, le hibou était le symbole de la prudence, c’était l’oiseau d’Athéné. Les bestiaires chrétiens ne sont que des copies des fables contenues dans l’histoire naturelle d’Elien et de Pline, avec un sens symbolique converti à la religion nouvelle[4], mais dont l’origine se retrouve au sein de la plus haute antiquité. Il en est de même des démons, ou de l’empire que prend le démon dans la symbolique du moyen âge. M. A. Maury dit, avec ce savoir qu’on lui connaît[5] : « Les caractères donnés par les Pères de l’Église aux démons sont les mêmes, en effet, que ceux que l’on rencontre chez les platoniciens ; ces écrivains puisent dans les livres des Grecs, ils empruntent leurs paroles, ils s’arment de leur autorité, ils partagent toutes leurs superstitions, et c’est en s’en référant à Platon qu’ils dé-

  1. Voyez Guillaume Durand, Rationale divin. offic. Proœmium, p. 2.
  2. Le nycticorax des bestiaires latins ; le nicorace du bestiaire de Guillaume, le trouvère normand.
  3. Psaume CI.
  4. Voyez les Mélanges archéol. des RR. PP. Martin et Cabier (t. II, p. 106) ; aussi le Bestiaire divin de Guillaume, clerc de Normandie, publié par M. C. Hippeau (Caen, 1852) ; l’ouvrage du célèbre Hugues de Saint-Victor, Institutiones monasticæ, de bestiis et aliis rebus. Hugues de Saint-Victor explique les raisons qui, selon lui, devaient faire adopter ces représentations dans les églises : « Quod doctoribus innuit scriptura, hoc simplicibus pictura. Sicut enim sapiens delectatur subtilitate scripturæ, sic simplicium anima delectatur simplicitate picturæ. » (Tome II, p. 394.)
  5. Histoire des religions, t. III, p. 429.