Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, 1854-1868, tome 9.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
[tour]
— 109 —

projectiles lancés à la volée, en supposant que ces projectiles aient pu s’élever assez haut pour retomber sur la plate-forme.

La tour ne se défend absolument que du sommet, soit par les engins de position, soit, contre l’attaque rapprochée, par les crénelages et mâchicoulis[1].

Il est curieux de suivre pas à pas, depuis l’antiquité, ce mouvement d’oscillation constant, qui, dans les travaux de défense, tantôt fait donner aux tours ou flanquements un commandement sur les courtines, tantôt réduit ce commandement et arase le sommet des tours au niveau des courtines. De nos jours encore ces mêmes oscillations se font sentir dans l’art de la fortification, et Vauban lui-même, vers la fin de sa carrière, après avoir préconisé les flanquements de niveau avec les courtines, était revenu aux commandements élevés sur les bastions.

C’est qu’en effet, quelle que soit la portée des projectiles, ce n’est là qu’une question relative, puisque les conditions de tir sont égales pour l’assiégé comme pour l’assaillant. Si l’on supprime les commandements élevés, on découvre l’assaillant de moins loin, et on lui permet de commencer de plus près ses travaux d’approche ; si l’on augmente ces commandements, on donne une prise plus facile à l’artillerie de l’assiégeant. Aussi voyons-nous, pendant le moyen âge, et principalement depuis l’adoption des bouches à feu, les systèmes se succéder et flotter entre ces deux principes[2]. D’ailleurs une difficulté surgissait autrefois comme elle surgit aujourd’hui.

Le tracé d’une place en projection horizontale peut être rationnel, et ne plus l’être en raison des reliefs.

Avec les commandements élevés, on peut découvrir au loin la campagne, mais on enfile les fossés et les escarpes par un tir plongeant qui ne produit pas l’effet efficace du tir rasant. Il faut donc réunir les deux conditions.

Nous verrons tout à l’heure comment les derniers architectes militaires du moyen âge essayèrent de résoudre ce double problème. Le château de Vincennes n’en est pas moins, pour le temps où il fut élevé, une tentative dont peut-être on n’a pas apprécié toute l’importance, L’architecte constructeur des défenses a prétendu soustraire les tours à l’effet du tir parabolique, en leur donnant un relief considérable, et il a prétendu utiliser ce commandement, inusité alors, pour le tir des nouveaux engins à feu, et des grands engins perfectionnés, tels que les mangonneaux et trébuchets[3].

Sous le règne de Charles V, on ne trouve nulle part, en France, en

  1. Ces tours ont été dérasées au niveau des courtines en 1814. (Voyez les grandes gravures d’Israël Sylvestre, Les plus excellens bastimens de France de du Cerceau, etc.)
  2. De notre temps nous avons vu la fortification allemande revenir aux commandements élevés, aux tours bastionnées.
  3. Voyez Engin.