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et l’arc ogive f’, dont la naissance est projetée sur notre figure. Ces naissances donnent la forme des chapiteaux et des tailloirs tracés en y. Sur la saillie Z de ce tailloir retournant d’équerre, repose la base de la colonnette W qui porte le formeret de la voûte haute. Il ne faut pas oublier que ces voûtes hautes sont croisées, c’est-à-dire que les arcs ogives prennent deux travées, et donnent, par conséquent, une projection horizontale voisine de 45 degrés. Les difficultés de tracés eussent encore été augmentées, si ces arcs ogives eussent été les diagonales d’une seule travée.

On voit, par cet exemple, quelles complications et quels tâtonnements y entraîne l’emploi incomplet d’une méthode, une fois un principe admis. L’ordonnance ne commence réellement qu’au-dessus du tailloir des gros chapiteaux, et cette ordonnance est gênée par cette nécessité d’un tailloir carré posé parallèlement au grand axe de la nef. L’architecte a procédé logiquement pour la partie supérieure ; il a tracé ses arcs de voûtes avant tout, et ceux-ci lui ont donné la forme, la place et la dimension des supports ; mais cette surface carrée dans laquelle il fallait se renfermer et qui lui était donnée par le cylindre inférieur, l’obligeait à mêler les membres, à les enchevêtrer les uns dans les autres pour trouver leur place. Encore, malgré ces efforts, laissait-il sur ces tailloirs, trop restreints en deux sens, des surfaces non occupées. Voulant avoir, à rez-de-chaussée, des piliers cylindriques et adoptant l’ordonnance de la structure nouvelle, il eut été plus logique et plus simple de poser les tailloirs diagonalement, puisque c’était parallèlement et perpendiculairement au grand axe de la nef qu’il avait à développer les membres de la structure. En effet, si les tailloirs eussent été tracés ainsi que nous l’avons indiqué en G, le traceur plaçait les diagonales dans le sens du développement des membres portants ; il était moins gêné et ne laissait pas des surfaces inoccupées. Ce raisonnement, comme on le pense bien, fut bientôt suivi par les maîtres, dès le commencement du XIIIe siècle. La cathédrale de Reims fut fondée en 1212 ; la partie de la nef voisine du transsept s’élevait vers 1220, vingt-cinq ans après la construction des piles de la nef de Notre-Dame de Paris. Le plan B (fig. 3) donne la moitié de la projection horizontale d’un des piliers de la nef de Notre-Dame de Reims (partie ancienne), avec les membres qui portent ces piliers. L’architecte conserve la pile cylindrique, mais il diminue comparativement son diamètre, et il la cantonne de quatre colonnes engagées[1]. Sur cette pile (voy. Cathédrale, fig. 14) il pose un chapiteau, ou plutôt un groupe de chapiteaux (voy. Chapiteau, fig. 33), dont les tailloirs réunis adoptent la forme générale indiquée en G. Mais, grâce à ces colonnes engagées sur le cylindre et à la forme franche des tailloirs, l’ordonnance qui commence

  1. Une tentative de ce genre avait déjà été faite dans la partie de la nef de Notre-Dame de Paris voisine des tours, et dont la construction date de 1215 environ.