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d’hui, la mise en plomb d’un mètre superficiel de vitraux légendaires bien faits, avec des verres épais, coûte environ 50 francs. Les verres étant, pendant les XIIe et XIIIe siècles, beaucoup moins égaux que les nôtres, ce prix, eu égard à la valeur de l’argent, ne pouvait être au-dessous de cette somme. Ainsi que nous l’avons dit, cette inégalité d’épaisseur des verres, qui rend la mise en plomb si difficile, est une des conditions d’harmonie et de vivacité des tons. Quand les verres sont plans et égaux comme épaisseur, la lumière les frappe tous, sur une verrière, suivant un même angle, d’où résulte une réfraction uniforme ; mais quand, au contraire, ces verres sont bossués et inégaux comme épaisseur, ils présentent, extérieurement à la lumière, des surfaces qui ne sont pas toutes sur un même plan vertical ; d’où résulte une réfraction variée qui ajoute singulièrement à l’éclat relatif des tons, et qui contribue à l’harmonie. C’est ainsi que la perfection des produits est souvent en raison inverse de la qualité de l’effet, en matière d’art.

Pour sertir ces verres inégaux d’épaisseur et bossués, les verriers des XIIe et XIIIe siècles employaient des plombs peu larges, mais ayant beaucoup de champ (fig. 29), poussés au rabot sur lingots. Les ailes de ces plombs, épaisses, permettaient à l’ouvrier metteur en plomb de les rabattre sur les inégalités du verre, de manière à maintenir parfaitement leurs bords, comme on fait de la bâte qui sertit un chaton. La section de ces plombs, quelquefois très-fins, donne ou des plans droits, ou des surfaces externes convexes (voy. en B). Leur champ, prononcé relativement à l’épaisseur, permettait de les contourner facilement pour suivre toutes les sinuosités des pièces de verre. Ils étaient réunis par des points de soudure. Les plombs que nous possédons encore, datant du XIIe siècle, sont très-étroits ; ils deviennent généralement plus larges au XIIIe siècle, surtout dans les verrières à grands sujets, et, entre eux et le verre, on constate souvent la présence d’un corps gras résineux, qui était destiné à calfeutrer les interstices.

Si les artistes de la seconde moitié du XIIIe siècle ont exécuté parfois des verrières avec négligence, il faut reconnaître cependant qu’ils en ont produit une grande quantité dont l’aspect, au point de vue de l’harmonie des tons, du dessin et de l’exécution, ne laisse rien à désirer. Parmi ces dernières, nous citerons les panneaux de fenêtres de la galerie du chœur de l’église de Saint-Urbain de Troyes (1295 environ). Trois de ces panneaux placés du côté du nord sont exécutés avec une rare perfection. Ils se détachent sur une grisaille ; leurs fonds rouge, vert et