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[vitrail]
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de la surface. La bordure se compose de fleurs de lis jaunes sur fond bleu ; puis est posé un filet interne rouge. Les armoiries sont d’argent à la croix de gueules ; ou mi-parties au premier coupé d’argent à la croix pattée de gueules et d’or chargé d’une tour de sable ; au second d’or à trois fasces de gueules. D’autres écus décorent ce vitrail : le premier se découpe sur un fond jaune perlé entouré de deux carrés croisés vert et pourpre violet ; le second est posé sur un fond bleu avec carrés de même que dessus, mais les tons alternés. L’effet de cette grisaille est très-beau ; si toutefois on peut donner le nom de grisaille à une verrière où les couleurs occupent plus de la moitié de la surface.

La cathédrale de Saint-Nazaire de Carcassonne conserve aussi de très-remarquables grisailles du commencement du XIVe siècle, où la couleur remplit un rôle très-important. Dans les deux roses nord et sud notamment, ces grisailles sont de véritables mosaïques colorées.

Vers le milieu du XIVe siècle, alors qu’on était arrivé à appliquer le jaune au moyen de sels d’argent, on rehaussa parfois les grisailles blanches avec des touches jaunes. On voit de jolies grisailles de ce genre dans la chapelle de Vendôme de la cathédrale de Chartres. Les magasins de Saint-Denis en possèdent également un très-joli panneau, qui a été reproduit par M. A. Gérente. Il faut dire que ce genre de grisaille convient mieux à des baies d’appartements qu’aux fenestrages des grands vaisseaux. Ces moyens décoratifs sont trop maigres pour produire de l’effet de loin sur de grandes surfaces translucides.

Au XVe siècle, le mode des grisailles tapisseries se perd, et est remplacé par des tracés d’architecture blanche et jaune, avec quelques figures colorées d’un effet médiocre.

Le XVIe siècle fit beaucoup de grisailles, ou plutôt des camaïeux avec sujets et arabesques. Nous ne croyons pas nécessaire de revenir sur ce que nous avons dit de ce procédé de peinture sur verre.

On sait que les cisterciens n’admettaient pas dans leurs églises les peintures et la sculpture des figures. Privés de ces moyens décoratifs, ces religieux fermèrent les baies de leurs églises au moyen de verres blancs disposés de manière à former de riches dessins par la mise en plomb. Dès l’année 1842 nous avions pris note de vitraux de ce genre datant des premières années du XIIIe siècle, dans l’église abbatiale de Pontigny, qui dépendait de l’ordre de Cîteaux. Plus tard, en 1850, M. l’abbé Texier signala des vitraux de ce genre dans les églises de Bonlieu (Creuse) et d’Obasine (Corrèze)[1], toutes deux cisterciennes. Ces vitraux incolores et non peints datent du XIIe siècle. Les dessins des vitraux de l’église de Bonlieu sont peut-être de quelques années antérieurs à ceux de l’église d’Obasine, mais d’ailleurs le système adopté est le même dans l’un et l’autre monument. Ces dessins sont bien composés, larges, d’un beau caractère. On peut en juger par l’exemple que

  1. Voyez les Annales archéologiques, t. X, p. 81 et suiv.