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[voûte]
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portent les murs latéraux et la voûte en berceau doivent avoir plus d’épaisseur que les arcs-doubleaux qui n’ont pas de charge, que ces naissances de voûtes d’arête dans les angles demandent, ou un appareil spécial, ou affament la pile en réduisant les tas de charge ; alors ils tracent les piles suivant le plan K. Les archivoltes se dégagent en f, l’arc-doubleau des latéraux en g ; les angles h reçoivent les naissances des voûtes d’arête ; les angles i, les archivoltes de décharge au-dessus de la claire-voie du triforium, et le grand arc-doubleau du berceau central, ayant la largeur mm, porte sur le tailloir d’un chapiteau reposant sur la colonne engagée. Mais les archivoltes f et l’arc-doubleau g ont une épaisseur plus grande que n’est l’espace op, d’où il résulte que l’arête h de la voûte doit s’élever verticalement jusqu’au moment où l’épaisseur rp des claveaux se dégage de cette arête ; alors les constructeurs ajoutent encore une colonne engagée au devant des pilastres des archivoltes et de l’arc-doubleau postérieur, afin d’avancer les claveaux de ces arcs de manière à les dégager entièrement dès leur naissance. Ainsi se compose peu à peu, et commandée par les déductions tirées de la construction des voûtes, la pile romane du XIIe siècle.

Tant qu’on n’avait pas sous les yeux ces monuments de la Syrie centrale, il était difficile de se rendre compte des motifs qui avaient fait adopter, pendant la dernière partie de la période romane, ces arcs-doubleaux séparant les travées des édifices voûtée, puisque les Romains ne séparaient pas leurs travées de voûtes par des arcs-doubleaux. Les édifices syriens nous donnent la solution de cette question. Dans ces édifices, les arcs-doubleaux sont, par suite d’un raisonnement très-juste, faits pour franchir des espaces trop larges pour être couverts par des plates-bandes ou par des charpentes, dans un pays où les bois longs étaient rares ; ces arcs portent de grandes dalles, comme dans l’exemple précédent, ou des pannes. C’est ce qui nous fait dire que ces artistes syriens avaient su allier, mieux que ne l’avaient fait les Romains, l’arc et la plate-bande. Les architectes occidentaux ont conservé les arcs-doubleaux comme l’ossature naturelle de tout édifice bâti de pierre ; seulement, entre ces arcs, ils ont bandé des voûtes suivant la tradition romaine, soit en berceau, soit d’arête.

Mais à Byzance, à Sainte-Sophie, déjà la voûte d’arête romaine s’était modifiée. Sa clef centrale était habituellement alors posée au-dessus du niveau des extrados des clefs d’arcs-doubleaux (voyez figure 11), si toutefois on peut donner le nom d’arcs-doubleaux à des arcs à peine saillants sur le nu interne de la voûte. L’arc A, par exemple, de la figure 11 n’était que le nerf de brique, romain qui, au lieu d’être entièrement noyé dans l’épaisseur de la voûte, ressortait quelque peu. On remarquera d’ailleurs que ces arcs A, B, C sont au nu de la voûte, à sa naissance en D sur les tailloirs carrés des chapiteaux, et ne prononcent leur saillie qu’en se rapprochant de la clef. En un mot, ces arcs ne sont pas concentriques à la voûte, laquelle est une sorte de compromis entre la coupole et la