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Les voûtes du porche de Vézelay (1130), dont quelques-unes déjà sont bandées sur des arcs diagonaux, sont maçonnées en moellons irréguliers noyés dans le mortier, mais ce maçonnage ne reporte pas exactement sur les arêtes la charge des triangles maçonnés ; celles-ci enlevées, la voûte tiendrait encore, comme se tiennent les voûtes du même édifice dépourvues de ces arcs diagonaux. Ici l’arc diagonal est plutôt un moyen de donner de la résistance à un point faible, de l’accuser, qu’une structure commandée par une nécessité, C’est un expédient, non un principe. Il ne serait donc pas exact de considérer les nerfs saillants, les arcs ogives (pour leur donner leur véritable nom) des voûtes du porche de Vézelay, comme la première tentative d’un principe nouveau ; c’est un acheminement vers un principe qui n’est pas encore entrevu. En effet, dans l’art de l’architecture, et surtout dans la pratique de cet art, les principes ne naissent pas tout formés dans le cerveau des constructeurs, il y a toujours comme une intuition des principes avant l’énoncé de ces principes. Remplacer des cintres provisoires de bois par des cintres permanents de pierre, était une idée ingénieuse, déduite de la théorie romaine sur la solidité des voûtes ; ce n’était pas un nouveau principe : ce n’est pas un principe nouveau de faire saillir sous la voûte le nerf noyé dans la voûte ; c’est une simple déduction logique. Mais considérer ces nerfs, ressortis de la voûte, comme une membrure indépendante, et combiner, sur cette membrure, des successions de voûtes qui ne peuvent se soutenir que parce qu’elles portent sur cette membrure, c’est alors un nouveau principe qui s’établit, qui n’a plus de rapport avec le principe de la structure romaine ; c’est une découverte, et une découverte si importante dans l’art de la construction, que nous n’en connaissons pas qui puisse lui être comparée. Les constructeurs s’affranchissaient ainsi de toutes les difficultés qui se présentent lors de l’établissement des voûtes sur des plans irréguliers, et notamment sur des plans curvilignes. Il faut se placer à ce point de vue, si l’on veut se rendre compte de la valeur de cette innovation ; ne pas considérer seulement l’apparence des voûtes, mais leur mode de structure. Or, il existe beaucoup de voûtes nervées qui ne sont point des voûtes en arcs d’ogive, c’est-à-dire qui ne sont point construites d’après ce principe ignoré jusqu’alors, consistant en une succession de voûtes portées sur des arcs bandés en tous sens, quelle que soit la configuration du plan à couvrir. Nous avons essayé, dans l’article Construction, de faire ressortir la différence entre le principe de la coupole nervée, et le principe de la voûte en arcs d’ogive, bien qu’en apparence ces deux voûtes aient le même aspect[1], ou peu s’en faut ; il semblerait que nos développements à ce sujet ne sont pas assez étendus, puisque de savants critiques n’ont pas paru apprécier toute l’importance de cette différence. Cependant elle est telle, que le système de coupole nervée, successivement amélioré, am-

  1. Voyez Construction, fig. 62 et suivantes jusqu’à la figure 72 bis.