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des anciens formerets au XIIe siècle. Mais voici qui vient encore appuyer notre restitution. Tout le long de la nef, la corniche F du XIIe siècle est conservée ; au-dessous est une ornementation de petits arcs plein cintre qui reposent sur une arcature qui autrefois s’ouvrait nécessairement au-dessus des voûtes, ainsi que l’indique la coupe G. La corniche F était surélevée pour permettre aux entraits de la charpente de passer au-dessus de l’extrados des voûtes ; et cette arcature G donnait du jour et de l’air sous le comble. Dans le chœur de l’église abbatiale de Vézelay, qui date de 1180 à 1190, les formerets sont également plein cintre et ainsi disposés en contre-bas des clefs de la voûte. Les voûtes hautes de l’église Notre-Dame de Châlons-sur-Marne possèdent, dans le chœur, des formerets plein cintre surbaissés. Il n’y a donc rien dans cette disposition qui ne soit conforme à la structure des voûtes des édifices voisins de Sens ou appartenant à la même province. La ligne ponctuée gh indique la place des formerets refaits à la fin du XIIIe siècle, formerets qui enveloppent de grandes fenêtres à meneaux dont les archivoltes viennent aujourd’hui pénétrer les restes de l’arcature autrefois ajourée au-dessus des voûtes. La figure 25 donne cette arcature à l’extérieur ; les traces encore en place et de nombreux fragments permettent de la restituer sans difficultés[1]. En perçant les nouvelles fenêtres, les architectes du XIIIe siècle se sont contentés de boucher les baies donnant autrefois sous le comble, et d’entailler les pieds-droits et archivoltes plein cintre suivant la courbe de l’archivolte de ces nouvelles baies. On voit encore en place, sur quelques points, les chapiteaux C, des portions d’archivoltes et toute la partie supérieure B. En A, sont les arrivées des arcs-boutants qui datent de la construction primitive. Cette arcature supérieure donnant au-dessus des voûtes se retrouve dans beaucoup d’églises romanes des provinces rhénanes, et avait pénétré jusque dans les parties orientales de la Champagne. Sa présence à Sens n’en est pas moins un fait assez remarquable.

Il ressort de cette étude que les voûtes hautes de Saint-Étienne de Sens étaient très-bombées, présentaient des triangles concaves fortement inclinés vers l’extérieur ; que les constructeurs n’osaient encore s’affranchir de la forme génératrice donnée par la coupole, quant au tracé, bien qu’ils eussent déjà adopté le mode de structure des voûtains triangulaires de remplissages reportant les charges sur les arcs-doubleaux et formerets ; du moins cela paraît-il probable, puisque ce mode est adopté pour les voûtes des collatéraux, plus anciennes, et pour les voûtes hautes des chœurs de Vézelay et de Notre-Dame de Châlons-sur-Marne, qui sont

  1. C’est grâce à l’obligeance de M. Lance, architecte diocésain de Sens, et aux sondages intelligents faits par son inspecteur, M. Lefort, que nous avons pu relever exactement cette arcature, qui présente une disposition si curieuse. Dans notre restitution, la forme des fenêtres est seule douteuse, bien que les pieds-droits de ces fenêtres soient encore accusés à l’extérieur et coïncident avec les pieds-droits de l’arcature du triforium. (Voyez Triforium .)