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Le système de voûtains à projection horizontale triangulaire de la voûte française ne peut en aucune façon se prêter à l’emploi de planches ou de madriers, puisqu’il eût fallu tailler chacun d’eux pour lui donner plus de largeur au milieu qu’aux extrémités ; tandis que le système anglais primitif indiqué ci-dessus permet la mise en œuvre du bois ; bien plus, il l’indique, il en est une conséquence. Les dérivés des exemples précédents viennent encore accuser cette préoccupation des constructeurs. La voûte anglaise arrive, au XVe siècle, à être une combinaison de charpenterie bien plutôt qu’une combinaison de maçonnerie.

Dès le XIIIe siècle, les liernes apparaissent, puis les tiercerons. Les liernes étaient une conséquence toute naturelle du chevauchement des rangs de moellons sur la ligne des clefs. Les tiercerons — pour les voûtes d’une grande portée du moins — étaient commandés pour empêcher le fléchissement de ces rangs de moellons qui n’ont qu’une flèche inappréciable et qui semblent figurer des couchis. Ces plans courbes dans un sens, mais nullement concaves ou très-peu concaves, — puisque ces rangs de moellons remplissaient l’office de couchis, — avaient besoin d’être maintenus dans le milieu de leur développement, pour ne point se déformer, s’infléchir ; les tiercerons furent donc posés pour parer à cette éventualité.

Bientôt les conséquences de ce principe conduisent à des combinaisons d’arcs dont nous ne trouvons pas, en France, les analogies ; et c’est toujours un mode simplificateur qui est la cause de ces combinaisons.

Tout ce qui est du ressort de l’architecture du moyen âge est si légèrement apprécié, même, il faut bien l’avouer, par les architectes, qu’on s’en tient à l’apparence, qu’on juge les méthodes adoptées sur cette apparence, et qu’on ne prend pas la peine de rechercher si derrière la forme visible il y a un procédé très-simple qui l’a commandée.

Déjà en 1842, un des hommes les plus distingués en Angleterre parmi les archéologues s’occupant de l’architecture, avec le sens pratique que dans ce pays on apporte à toute chose, M. le professeur Willis, avait publié sur la construction des voûtes anglaises du moyen âge un travail très-étendu et savamment déduit[1]. Ce travail est peut-être la première étude sérieuse qui ait été faite sur le système de structure des voûtes anglaises, et certes les observations recueillies depuis n’ont fait que confirmer les aperçus de M. Willis. Toutefois, n’ayant pas un point de comparaison en dehors du système anglais, le savant professeur ne peut en apprécier tout le côté pratique. En nous aidant de son remarquable travail et de nos observations personnelles, nous essayerons de faire

  1. Ce travail, inséré dans le premier volume des Transactions de l’Institut des architectes britanniques, a été traduit, en 1843, par M. Daly, dans la Revue d’architecture (t. IV), Le traducteur, dans l’introduction qui précède le texte de M. Willis, ne fait pas ressortir les différences profondes qui séparent la structure des voûtes anglaises de celle des voûtes françaises, et ne semble pas avoir étudié ces dernières ; mais en 1843 personne n’était en état de se livrer à un travail critique sur cet objet.